COVID-19 et itinérance : une partie du pire vient d’arriver

Les villes doivent agir rapidement dans le cadre d'une pandémie qui touche aussi les personnes itinérantes, rappelle l'auteure.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les villes doivent agir rapidement dans le cadre d'une pandémie qui touche aussi les personnes itinérantes, rappelle l'auteure.

La COVID-19 a frappé dans la population itinérante. Ça y est, une partie du pire vient d’arriver. Bien sûr, il est difficile de protéger tout le monde. Toutefois, il faut comprendre que cela peut dégénérer rapidement dans la rue. Bien que le gouvernement soit avant-gardiste dans ses mesures, le milieu communautaire doit composer avec des ressources restreintes, voire inadaptées, pour soutenir les personnes itinérantes.

Personne n’était préparé à l’arrivée de cette pandémie et encore moins les personnes itinérantes. Pour elles, encore aujourd’hui, c’est un privilège d’avoir un endroit où se sentir en sécurité et mener de front un tel combat. Ces personnes doivent s’adapter à survivre avec des ressources limitées, tout en étant confrontées à la COVID-19, mais aussi à la période hivernale, qui ne donne que peu de répit. En effet, plusieurs centres de jour ont fermé leur porte. D’autres organismes réduisent leurs services en raison d’un personnel limité, et ce, pendant que les refuges débordent et que les travailleurs de rue ont peine à trouver des alternatives pour répondre aux besoins criants des personnes itinérantes.

Ce n’est pas vrai que ça va bien aller pour tout le monde. Cette crise sanitaire sera vraiment un calvaire pour bien des personnes itinérantes qui n’arriveront pas à répondre aux exigences de la santé publique. C’est inquiétant, car celles qui resteront dans les rues seront encore plus visibles et donc, plus ciblées par les autorités. Le profilage social a toujours été un cheval de bataille en défense de droit des personnes itinérantes, et vivre dans la rue en ce moment n’aidera en rien leur situation. C’est alarmant de savoir qu’elles n’ont pas toutes les conditions nécessaires pour faire autrement et que si elles n’ont pas de répit de la part des autorités, leur réalité deviendra un cauchemar.

Au Canada, certaines villes sont très proactives, soit en relogeant les personnes itinérantes dans des hôtels vacants, en ouvrant des écoles pour les héberger, en offrant un centre de consommation sécuritaire dans un refuge et en mettant en place des centres d’isolement pour combattre la COVID-19 dans de meilleures conditions. Nous constatons ici que, malgré les meilleures volontés du monde, Montréal tarde à agir.

Qu’est-ce qu’on attend ? Les seules mesures annoncées, c’est que l’hébergement d’urgence Royal Victoria sera transformé en centre d’isolement et qu’un autre refuge sera ouvert pour transférer les personnes qui y sont actuellement hébergées. Il s’agit d’une ressource de 200 places. Est-ce que c’est nécessaire de bouger autant de monde dans un nouveau refuge ? Ne serait-il pas mieux d’ouvrir un étage supplémentaire pour les cas de COVID-19 et de penser à d’autres mesures pour désengorger les refuges et réduire la présence des personnes itinérantes dans l’espace public ? Prenons exemple sur les autres villes, arrêtons de vouloir réinventer la roue. Il faut agir rapidement, les trous de services actuels peuvent avoir de graves conséquences sur l’ensemble de la population. Si des foyers de contagion se créent dans la rue, le pire scénario pourra se produire. Aucune personne ne le souhaite, ni même les décideurs. Toutefois, nous savons tous qu’il sera difficile de contrôler la situation et de déterminer la propagation du virus.

De toute évidence, les inégalités sociales frappent de plein fouet notre province. D’une ville à l’autre, tous ont de la peine à s’adapter. Des mesures claires de la part du gouvernement aideraient certes à prendre des décisions équitables pour stabiliser la situation rapidement sur l’ensemble du territoire. Tous méritent de vivre cette crise dans la dignité.

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