Pour une consultation populaire sur l’avenir du cours ECR

«Avant d’abandonner un projet pédagogique réfléchi comme le fut ECR, le gouvernement Legault devrait mener une consultation générale, et en particulier auprès des parents», croit l'auteur.
Photo: Getty Images «Avant d’abandonner un projet pédagogique réfléchi comme le fut ECR, le gouvernement Legault devrait mener une consultation générale, et en particulier auprès des parents», croit l'auteur.

Attaqué pour cause de multiculturalisme, pour camouflage confessionnel, pour fabulation irrationnelle, pour propagande « antiféminine » et quoi encore, le cours ECR s’est retrouvé pris sous le feu croisé des idéologies diverses qui ont marqué la dernière décennie.

Cette opposition multiforme a fini par emprunter la voie politique. En 2017, des militants ont lancé une pétition à l’Assemblée nationale réclamant « de retirer le volet “culture religieuse” du cours ECR ». Elle a recueilli près de 5400 signatures. Elle a reçu aussi l’appui du chef du Parti québécois, Jean-François Lisée. Son chef intérimaire, M. Pascal Bérubé, confirmait plus tard cette position. De son côté, lors de son congrès de 2017, la CAQ promettait aussi l’abolition du cours au primaire.

Vingt ans plus tôt, le 26 mars 1997, Mme Marois, alors ministre de l’Éducation, déclarait à l’Assemblée nationale : « Dans le contexte d’une société pluraliste, serait-il souhaitable que tous les élèves reçoivent une certaine formation au sujet du phénomène religieux, des cours de culture religieuse intégrant les diverses grandes traditions, des cours d’histoire des religions ? » Elle se faisait à cet égard l’écho des états généraux sur l’éducation de 1994-1995 et d’un avis du Conseil supérieur de l’éducation.

Champ libre

 

Pour répondre à cette question, elle a créé le Groupe de travail sur la place de la religion à l’école que j’ai eu l’honneur de présider. Après un an et demi de réflexion et de travail, il a répondu « oui » à la question de Mme Marois. Il a proposé et justifié longuement (outre la laïcisation générale du système scolaire) la création d’un cours non confessionnel « d’enseignement culturel des religions obligatoire pour tous ».

C’est à François Legault, successeur de Mme Marois, que le Groupe de travail a remis son rapport le 29 mars 1999. M. Legault, devant les milieux catholiques traditionalistes, n’a pas osé donner suite à la recommandation sur l’enseignement culturel. Le cours ne sera mis en place qu’en 2008 sous le ministre libéral Jean-Marc Fournier.

Mais aujourd’hui, le vent a tourné. Les mouvements proconfessionnalité sont disparus et l’épiscopat québécois s’est résigné. Les laïcistes athées ont alors occupé le champ libre. Ils viennent de gagner.

Que s’est-il donc passé ?

D’abord, la religion est progressivement devenue dans l’opinion publique en général une réalité très négative. Le scandale des prêtres et des religieux pédophiles a entaché lourdement l’image et la crédibilité de la religion catholique ; la position de l’Église sur l’inégalité des femmes quant aux fonctions ministérielles produit le même effet.

Par ailleurs, bien des Québécois sont suspicieux envers l’islam en raison du terrorisme qu’on observe dans les pays musulmans et qui a percolé jusque chez nous. La place faite aux femmes dans cette religion a transpiré, mais dans l’ambiguïté, jusque dans le débat sur le projet de loi 21 sur la laïcité.

Ensuite, la sécularisation du Québec amorcée dans les années 1960 s’est accélérée. Elle est marquée par la prise de distance des citoyens, même encore croyants, par rapport au discours des religions, et par leur indifférence. Un indice ? Son absence à peu près totale dans les médias, sauf pour les scandales !

Cette indifférence a fini par atteindre la classe politique. Elle est à cet égard à l’image de la population, mais par contre sensible aux mouvements d’opinion. Cette indifférence est aussi observable dans l’appareil gouvernemental. Tous les programmes ministériels doivent en principe faire l’objet d’une évaluation tous les dix ans. Malgré les demandes répétées des intéressés, rien n’a été fait concernant ECR, malgré la promesse de 2016 de l’ex-ministre Sébastien Proulx.

Comité inopérant

 

Le comité sur les affaires religieuses est même devenu inopérant depuis 2011. Le projet de loi 40 de M. Roberge propose d’ailleurs de l’abolir, comme il propose d’abolir le droit des élèves à « des services d’animation spirituelle et communautaire ». « Who cares ? »

Aux yeux du ministre Roberge, le sort du programme semble donc bel et bien décidé. Pourtant, en février 2019, il promettait de le réviser pour accorder une plus grande place à l’athéisme. « C’est une fausse bonne idée, l’abolition pure et simple du cours d’ECR pour amener de la laïcité », déclarait-il. Moins d’un an plus tard, il a changé d’idée : le cours sera aboli. Allez savoir pourquoi. Il sera remplacé par un salmigondis d’éléments disparates issus de l’air du temps !

Avant d’abandonner un projet pédagogique réfléchi comme le fut ECR, le gouvernement Legault devrait mener une consultation générale, et en particulier auprès des parents. Par trois fois, en 2010, 2012 et 2015, les Québécois ont, dans des proportions tournant autour de 63 %, déclaré qu’ils voulaient que ce cours demeure, soit le même score que pour la loi 21 !

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