Vivre en territoire «étalé»

«Le modèle de densification élevée préconisé [par la Communauté métropolitaine de Montréal] n’atteint pas les objectifs de qualité de vie que poursuivent les familles, du moins pas toutes», estime le maire de Saint-Colomban. 
Photo: Creative Commons «Le modèle de densification élevée préconisé [par la Communauté métropolitaine de Montréal] n’atteint pas les objectifs de qualité de vie que poursuivent les familles, du moins pas toutes», estime le maire de Saint-Colomban. 

Cher Massimo Iezzoni, directeur général de la CMM,

Je tiens à rectifier certains faits et perceptions en lien avec votre sortie publique au sujet de la note de l’Observatoire du Grand Montréal diffusée le 6 janvier dernier.

D’entrée de jeu, nous partageons les mêmes objectifs : l’aménagement du territoire durable au bénéfice de la protection de l’environnement ainsi que de la santé et du bien-être de nos populations. À la différence de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), nous vivons ici « dans » la nature et non à distance de celle-ci.

Depuis plusieurs années, l’étalement urbain semble être l’ennemi numéro un. La CMM pose divers gestes pour tenter de « garder » les gens en ville avec un succès mitigé. Vos 18 années à la direction générale vous ont permis d’être un témoin privilégié de l’étalement urbain sur le territoire métropolitain au détriment de terres agricoles et de milieux humides.

Le saccage de ces terres a été si important et irresponsable que de nouveaux règlements ont dû être adoptés pour freiner ce phénomène. Ces contre-exemples nous ont permis de nous doter d’outils pour mieux planifier l’aménagement du territoire colombanois. Saint-Colomban est une ville qui se développe en forêt et dans le respect de celle-ci, cette identité nous est très chère.

Exode

 

Difficile de nier que les familles quittent Montréal. Qui peut les blâmer étant donné que le coût des maisons y est deux fois plus élevé qu’à Saint-Colomban, terrains boisés en prime ? Le modèle de densification élevée préconisé n’atteint pas les objectifs de qualité de vie que poursuivent les familles, du moins pas toutes.

L’Observatoire fait quelques raccourcis. Vous incluez les 6000 emplois disponibles sur le territoire de l’aéroport de Mirabel (CMM) dans vos statistiques. Les travailleurs qui occupent ces emplois à seulement 10 minutes d’ici sont donc comptabilisés comme traversant la frontière de la CMM via le réseau MTQ. Il m’apparaît essentiel de le soulever pour relativiser vos conclusions.

Je suis par ailleurs favorable à une responsabilisation des grandes entreprises que le transport en commun classique dessert souvent mal. Pourquoi ne pas faire en sorte que les quartiers industriels contribuent au déploiement d’une offre de transport collectif pour leurs employés ? Petite idée lancée ici.

De plus, selon la dernière enquête origine-destination, 70 % de la population active de Saint-Colomban travaille à Saint-Jérôme et à Mirabel. Oui, il est possible d’habiter en territoire « étalé » et d’y travailler. Les 30 % restants se répartissent entre les villes plus au nord, Lachute et les villes qui jouxtent Mirabel au sud jusqu’à Montréal. Non, nos travailleurs ne prennent pas massivement d’assaut les routes québécoises pour aller travailler dans le noyau central du Grand Montréal.

Autre fait intéressant concernant Saint-Colomban : le pourcentage de travailleurs d’ici empruntant « votre » réseau routier pour se rendre au travail a diminué depuis 2006 malgré une forte croissance de la population entre 2006 et 2020. Malheureusement, ce tour de force a été omis dans la couverture médiatique.

Je comprends que la CMM cherche de nouveaux payeurs pour les infrastructures de transport collectif. Je n’y suis pas opposé, mais toutefois pas dans le contexte de la vision de développement qui prévaut actuellement. Des projets comme la « ligne rose » et une partie du REM sont voués à augmenter l’offre à des endroits où celle-ci est déjà présente. Sans nier ces besoins, il y en a d’autres qui passent sous le radar. Il serait temps de proposer des solutions pour répondre à la croissance démographique des Laurentides au cours de la prochaine décennie. Je ne vois rien sur la table au profit d’une mobilité optimale pour notre population. Lorsque ce sera le cas, je serai le premier à travailler pour qu’ils se concrétisent.

Catastrophe écologique

 

Revenons aux incongruités à l’intérieur de la CMM. Imbriqué au territoire de Saint-Colomban se trouve le secteur Mirabel-en-Haut. Celui-ci a été ajouté au périmètre d’urbanisation alors qu’il n’est lié à aucun ensemble urbanisé. Il entraînera la destruction d’une forêt essentielle à la régulation de la rivière du Nord soumise à d’importantes inondations. Toujours à Mirabel à l’intérieur de la limite nord de la CMM, une coupe à blanc d’une érablière mature a été effectuée en 2019 dans le cadre d’un projet de densification. Triste.

Afin de prévenir de tels gestes, nous avons fait plusieurs changements réglementaires pour protéger notre territoire contre la pression du développement résidentiel, dont l’imposition d’un minimum de 65 % de couvert naturel pour toute construction neuve ainsi qu’une bande riveraine de 10 mètres pour tout milieu humide. Le conseil travaille aussi à faire augmenter la superficie de notre territoire agricole au schéma d’aménagement. Est-ce que la CMM peut en dire autant ?

D’ici février, nous adopterons un règlement sur les redevances liées à la croissance afin de créer un fonds à même les nouvelles constructions pour financer l’impact de la croissance sur nos différentes infrastructures. Nous serons la première ville à proposer un tel règlement.

Autre nuance importante : densifier implique une desserte étendue en égout et en aqueduc. Saint-Colomban repose sur le roc, le coût du dynamitage pour implanter ces infrastructures est majeur sur le bouclier. Nous avons réussi à conjuguer cette contrainte grâce à un modèle de développement moins dense et respectueux de l’environnement. D’où l’importance de ne pas faire du « mur-à-mur, » dans vos analyses.

Nos balises en planification du territoire sont exigeantes parce que nous tenons à l’intégrité de notre couvert boisé. Les objectifs de densification sont louables, mais une telle densification serait une catastrophe écologique si elle était appliquée ici. Nos territoires ne sont pas comparables et ce n’est pas parce que nous nous développons différemment que nous le faisons mal, bien au contraire. La compétition ne sert personne Monsieur Iezzoni, soyons complémentaires.

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