«Bye bye 2019»: une occasion ratée de souligner les réalités autochtones

«Je travaille en milieu autochtone comme psychologue depuis bientôt 12 ans (...) et la richesse humaine que j’y rencontre est sans commune mesure», souligne l'auteur.
Photo: Nathan Denette La Presse canadienne «Je travaille en milieu autochtone comme psychologue depuis bientôt 12 ans (...) et la richesse humaine que j’y rencontre est sans commune mesure», souligne l'auteur.

Encore une fois, je suis surpris que l’on ait manqué l’occasion de souligner les réalités autochtones par l’entremise des sketchs humoristiques du Bye bye, alors que l’auditoire est l’un des plus nombreux en cette occasion unique de fin d’année.

Les artistes autochtones sont de plus en plus nombreux et reconnus sur nos scènes québécoises, que ce soit en musique, en écriture, en poésie, en théâtre, en danse ou en expositions multiples, mais la réalité de leur quotidien demeure mal comprise, sinon inconnue de la majorité des Québécois.

 

Je travaille en milieu autochtone comme psychologue depuis bientôt 12 ans, y passant presque la moitié de ma vie, car m’y rendant une semaine sur deux, et la richesse humaine que j’y rencontre est sans commune mesure avec ce que la majorité des Québécois ont comme perception de la réalité autochtone.

Quand j’indique à ma clientèle non autochtone que je serai absent la semaine suivante pour mes séjours réguliers dans une communauté autochtone, communément appelée « une réserve », sa première réaction est toujours de me plaindre, de me dire que ce doit être difficile, que les problèmes de drogue, d’alcool, de violence, d’abus de toutes sortes doivent finir par miner mon moral. Quand je leur réponds que la réalité est l’inverse, qu’y oeuvrer est d’une grande richesse et me nourrit à plusieurs égards, qu’y retourner demeure toujours un grand plaisir et une source de satisfactions importantes, je constate leur incompréhension et, surtout, leur méconnaissance.

L’univers autochtone demeure un mystère pour une grande majorité de personnes, même dans le milieu artistique, ne sachant sous quel angle aborder une réalité peu facilement saisissable, remplie de préjugés et de clichés immémoriaux. L’humour aurait pu servir cette cause qu’est la recherche de réconciliation entre nous, les occupants, et les peuples des Premières Nations occupant ce territoire depuis des millénaires.

Exutoire

 

Pourquoi ne se prennent-ils pas en main ? Pourquoi se font-ils vivre par les gouvernements ? Pourquoi ces abus de consommation ? Pourquoi ces placements si nombreux d’enfants en famille d’accueil ? Pourquoi ?

Quand j’explique qu’un Autochtone ne peut emprunter à une institution financière pour se construire une maison ou ouvrir un commerce, une entreprise, parce que les terrains d’une « réserve » sont insaisissables, les gens comprennent que la personne autochtone est ainsi prisonnière d’une réalité qui la maintient sous dépendance, qui la rend incapable de s’en affranchir.

Les seuls biens considérés, dans la majorité des cas, sont des biens de consommation, tels les télévisions, les cellulaires, les voitures, les motoneiges, les VTT et d’autres articles non durables loin de leurs valeurs traditionnelles et de leur mode de vie ancestral. La consommation devient alors souvent le seul exutoire à leurs blessures du passé et à leur condition passive du présent, avec pour conséquence des conditions déplorables pour leur vie familiale.

Certaines communautés parviennent mieux que d’autres à se développer grâce aux redevances de projets de barrages hydroélectriques sur leurs terres ancestrales. Ces communautés peuvent alors investir dans le développement d’entreprises autochtones et offrir des ententes de soutien financier aux membres voulant se faire construire leur propre maison et être propriétaires.

La nouvelle loi sur la protection de la jeunesse permet, à partir de cette année, aux communautés de gérer les placements de leurs enfants afin que ceux-ci demeurent dans des familles autochtones et évitent un déracinement culturel traumatisant comme celui vécu lors des placements forcés en pensionnat.

Des personnes

 

L’humour d’un Bye bye de fin d’année aurait pu soulever ces problématiques sur lesquelles seul un Blanc peut avoir un impact important pour favoriser justement cette reconnaissance, cette autonomie et cette réconciliation que tous souhaitent. L’humour pourrait illustrer mieux que n’importe quoi d’autre ces situations vécues ou subies par la « personne autochtone », ne serait-ce qu’en parlant, justement, de « personnes autochtones » au lieu d’Autochtones, car il s’agit bien ici de personnes. C’est ce qu’on a fait par le passé en cessant de dire « un handicapé » pour plutôt parler d’une « personne handicapée ». Reconnaître la personne au-delà de ses origines est le premier pas à franchir.

Les sketchs d’humour pourraient illustrer comment le non-Autochtone réagit, traite ou ne respecte pas ses ententes ou contrats pourtant dûment signés avec une personne ou un organisme autochtone. Le contrat des éoliennes, le prolongement de la route 138, des ententes gouvernementales, la simple signature d’un bail, etc., sont autant de sujets potentiels dont peu de gens sont informés.

La recherche de réconciliation est le sujet de l’heure, mais à ce jour, les formes que pourrait prendre cette réconciliation demeurent vagues. C’est un beau mot, réconciliation, qui montre plein de bonne volonté. Mais comment va-t-on concrétiser ce qu’il englobe ? Par exemple, ma ville se vante d’être jumelée avec une ville française et une ville belge, des jumelages qui ont été réalisés il y a plusieurs décennies et auxquels j’ai participé en y effectuant les premiers échanges jeunesse, dès le début des années 1980. Dans cette recherche d’un projet concret de réconciliation, j’ai acheminé l’an passé une offre à notre maire pour explorer un tel projet de jumelage avec une communauté autochtone, qui pourrait profiter aux deux parties.

D’autres villes auraient pu suivre cet exemple. Aucune réponse ne m’a été envoyée, même pas un avis de réception. Voilà un exemple du parcours que nous avons à faire pour faciliter le rapprochement et la connaissance de l’autre. Voilà un autre sujet d’humour possible pour réveiller les esprits.

Je vous souhaite donc à tous et à toutes une heureuse année 2020 et un humour qui saura améliorer notre connaissance de la réalité autochtone, réalité qui éveille cependant notre curiosité et dont nous commençons à être conscients de l’apport positif qui pourrait en résulter.

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