Appel à la libération des prisonniers scientifiques

Depuis plus de sept mois, les chercheurs Fariba Adelkhah et Roland Marchal sont détenus à la prison d’Evin, en Iran. C’est la prison tristement célèbre qu’ont connue les Québécoises Homa Hoodfar, incarcérée pendant trois mois en 2016, et Zahra Kazemi, qui y est morte en 2003.
Faussement accusés d’avoir porté atteinte à la sûreté de l’État, nos collègues ont été arrêtés, semble-t-il, afin de servir de monnaie d’échange dans une période de haute tension géopolitique avec l’Iran. Puisqu’ils n’ont mené aucune activité politique ou liée au renseignement dans ce pays, ce sont des prisonniers scientifiques.
Anthropologue, spécialiste réputée de la société iranienne, Fariba Adelkhah a entamé le 24 décembre une grève de la faim avec une universitaire australienne, Kylie Moore-Gilbert. Dans une lettre ouverte, elles disent se battre pour leur liberté, mais aussi pour celle des autres chercheurs emprisonnés. Sociologue, expert de l’Afrique, Roland Marchal rendait visite à Fariba Adelkhah lorsqu’il a été arrêté à l’aéroport de Téhéran.
Par la présente, nous demandons au gouvernement du Canada et aux universités québécoises et canadiennes d’appuyer les efforts internationaux visant à obtenir la libération de ces deux prisonniers scientifiques ainsi que celle de tous les universitaires, iraniens et étrangers, détenus arbitrairement en Iran.
Si le CERIUM intervient aujourd’hui de manière publique, c’est parce que Fariba Adelkhah et Roland Marchal sont tous les deux chercheurs au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris, un établissement qui a servi de modèle à la création du CERIUM et avec lequel nous entretenons des liens étroits. Roland Marchal a été invité au CERIUM en 2010.
Mais en exigeant la libération de nos collègues français, nous pensons à tous les universitaires, chercheurs et intellectuels dont la liberté, et parfois la vie, est mise en danger en Iran et à travers le monde. En 2019 seulement, selon l’association Scholars at Risk, 273 universitaires ont été persécutés sur la planète : victimes de meurtre, d’atteinte à leur intégrité physique, « disparus », emprisonnés, congédiés ou subissant des restrictions à leur liberté.
La plupart de ces universitaires vivent sous des régimes autoritaires, comme l’Iran, la Chine, la Turquie ou la Russie. Certains, comme Fariba Adelkhah et Roland Marchal, y étaient de passage.
À juste titre, les chercheurs des pays démocratiques sont attachés à la liberté académique qui leur permet d’exercer leur métier, soit la production et la diffusion du savoir, en toute indépendance. C’est une liberté aussi précieuse que rare dans le monde. Mais lorsque la liberté individuelle au sens le plus simple du terme est menacée, ce sont les droits fondamentaux qui sont en jeu. Ceux-ci, on l’oublie parfois, sont universels.
*La liste complète des signataires:
Le comité de direction du CERIUM
Magdalena Dembinska, science politique
Frédéric Mérand, science politique
Cynthia Milton, histoire
Chercheurs et chercheuses du CERIUM
Valérie Amiraux, sociologie
Vincent Arel-Bundock, science politique
Guillermo Aureano, science politique
Karine Bates, anthropologie
Karim Benyekhlef, droit
Ryoa Chung, philosophie
Jocelyn Coulon
Régis Coursin, sociologie
Peter Dietsch, philosophie
Graciela Ducatenzeiler, science politique
Pascale Dufour, science politique
Gabriel Fauveaud, géographie
Michel Fortmann, science politique
Marion Frogier, études cinématographiques
Mamoudou Gazibo, science politique
Jean-François Gagné, science politique
David Grondin, communication
Solange Lefebvre, études religieuses
Patricia Martin, géographie
Maria Martin de Almagro, science politique
Theodore McLauchlin, science politique
David Meren, histoire
Laurence Monnais, histoire
Eric Montpetit, science politique
Martin Papillon, science politique
George Ross, science politique
Christine Rothmayr, science politique
Denis Saint-Martin, science politique
Alain Saulnier, communication
Guillaume Sauvé, science politique
Adrien Savolle, anthropologie
Lee Seymour, science politique
Michèle Stanton-Jean, CRDP
Samuel Tanner, criminologie
Jean-Philippe Thérien, science politique
Simon Thibault, science politique
Marie-Joëlle Zahar, science politique