Carter, Trump, Trudeau et les armes

À 94 ans, Jimmy Carter, président américain ayant atteint le plus grand âge, s’est livré le 5 avril dernier, dimanche des Rameaux, à sa traditionnelle et hebdomadaire adresse à sa communauté de l’église baptiste Maranatha à Plains, en Géorgie. Il y a révélé la teneur (confirmée par la Maison-Blanche) de sa conversation de la veille avec Donald Trump.
À l’inquiétude du président quant au constat que la Chine était en train de devancer les États-Unis, Carter, devant les siens, a relaté sa réponse : « C’est vrai, Monsieur le Président, et savez-vous pourquoi ? J’ai normalisé nos relations diplomatiques avec Pékin il y a quarante ans. Depuis 1979, savez-vous combien de fois la Chine a été en guerre avec qui que ce soit ? Pas une seule fois. Et nous sommes restés en guerre. Les États-Unis sont la nation la plus belliqueuse de l’Histoire du monde parce que nous avons tendance à imposer nos valeurs américaines aux autres pays. La Chine, elle, investit ses ressources dans des infrastructures telles que les chemins de fer à grande vitesse, qui couvrent 18 000 milles. Combien de milles avons-nous aux États-Unis ? »
— Aucun, a répondu la congrégation.
— « Nous avons gaspillé 3000 milliards de dollars en dépenses militaires. La Chine n’a pas gaspillé un cent pour la guerre, et c’est pourquoi elle est en avance sur nous dans presque tous les domaines. Et si nous avions pris 3000 milliards pour les mettre dans les infrastructures américaines, on aurait un chemin de fer à grande vitesse. On aurait des ponts qui ne s’effondrent pas. On aurait des routes correctement entretenues. Notre système éducatif serait aussi bon que celui de la Corée du Sud ou de Hong Kong » (Carter n’a hélas ! pas mentionné un système de santé public).
Chez nous, le gouvernement Trudeau se voit imposer par l’OTAN d’acheter pour 70 milliards de dollars de bateaux de guerre Irving/Lockheed Martin et bientôt pour des dizaines de milliards de chasseurs bombardiers d’attaque destinés, déplorent Boeing et Airbus, à leur compétiteur, Lockheed Martin : c’est pour cette dernière compagnie, fabricante des F-35 avec Northrop Grumman, que travaille le général Charles Bouchard, qui a mené l’attaque aérienne de l’OTAN sur la Libye en 2011. Ces armes canadiennes auront pour effet de multiplier les réfugiés (au nombre croissant de 70 millions, nous informe le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) qui, en frappant aux portes de l’Occident, enfleront le racisme d’extrême droite. Rappelons que le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) a estimé les dépenses militaires croissantes des pays de l’OTAN à plus de quinze fois celles, déclinantes, de la Russie.
Que Réjean Hébert et Steven Guilbeault se présentent au Parti libéral pour faire avancer leurs causes respectives, cela se conçoit. Mais qu’ils le fassent sans remettre en question les dépenses militaires offensives qui leur enlèveront toute marge de budget pour les aînés et pour l’environnement dépasse tout entendement. Car un écotrain rapide Québec-Windsor, refusé par Trudeau en 2016, aurait coûté 20 milliards, pour rester dans la thématique soulevée par Carter. Et pour la dépasser, combien de centaines de millions de dollars assureraient l’eau potable à nos Premières Nations ?