Le Parti vert du Canada et le défi de l’écologie politique

«La montée récente du Parti vert du Canada dans les sondages vient en partie d’un intérêt réel de l’électorat envers la question environnementale, mais aussi d’une protestation contre les faiblesses des partis progressistes traditionnels», estime l'auteur.
Photo: Chad Hipolito La Presse canadienne «La montée récente du Parti vert du Canada dans les sondages vient en partie d’un intérêt réel de l’électorat envers la question environnementale, mais aussi d’une protestation contre les faiblesses des partis progressistes traditionnels», estime l'auteur.

À en croire les partis politiques canadiens, tout le monde se préoccupe d’environnement. Ce consensus de surface rend la tâche difficile à un parti qui ferait de l’écologie la fondation de son projet politique. C’est le cas pour le Parti vert du Canada. L’émergence d’un parti écologiste conséquent est ici un phénomène très récent. Les raisons de cette apparition tardive et ses succès mitigés sur le terrain électoral sont multiples.

Le mouvement écologiste canadien est fragmenté sur des bases linguistiques et idéologiques. Par exemple, le Québec a ses organismes et ses structures militantes propres, tout comme les communautés autochtones ou, dans une moindre mesure, la côte ouest canadienne. De plus, l’écologisme n’était pas au Canada une idéologie strictement de gauche. On peut même affirmer que Brian Mulroney est la première figure politique ayant pu se réclamer de l’écologie. D’ailleurs, plusieurs militants historiques du Parti vert du Canada viennent des rangs maintenant dissous du Parti progressiste-conservateur. Cela a compliqué l’organisation électorale des écologistes puisque l’enjeu se devait de fédérer des militants issus à la fois de cette droite classique et de la gauche néodémocrate ou même libérale. La présence du Bloc québécois rendait finalement, dès les années 1990, la création d’un parti pancanadien très improbable.

Comme si les choses n’étaient pas déjà compliquées, les règles électorales rendaient le contexte politique carrément hostile au Parti vert. Notre mode de scrutin a des effets négatifs notoires sur les petites formations dont les appuis sont peu concentrés. Ajoutons à cela le vote tactique qui poussait un électorat parfois favorable à la cause écologiste dans les bras de partis ayant de meilleures chances de gouverner. Le financement public des partis (abandonné depuis) formait une barrière à l’entrée additionnelle dans la joute électorale. C’est pourquoi, pendant que le reste du monde démocratique voyait des partis écologistes s’implanter, le Canada, comme la plupart de ses cousins anglo-saxons, restait sur la touche.

Diversification des enjeux

 

L’Europe politique a en effet intégré au sein de ses institutions des partis écologistes depuis longtemps. L’usage de modes de scrutin de types proportionnels, notamment pour les élections européennes, explique en partie cet état de fait. Mais on oublie trop souvent que ces partis écologistes ont réussi à greffer d’autres combats à leurs plateformes électorales. On pense par exemple à la question des droits de la personne et des réfugiés, mais aussi à l’enjeu central de l’intégration européenne. Appuyer un parti écologiste dans ce contexte veut donc dire bien plus que simplement défendre la cause environnementale. Il est intéressant de noter que le Parti vert du Canada n’a toujours pas réussi à s’approprier d’autres enjeux porteurs.

Toutefois, il demeure que le plus grand défi du Parti vert du Canada consiste à se différencier de ses adversaires. En effet, la littérature en science politique classe la protection de l’environnement avec des enjeux tels l’emploi, la sécurité des personnes ou encore l’éducation. Tout le monde est pour, mais personne ne s’entend sur les moyens d’y arriver. Cela met le Parti vert dans une position inconfortable puisque d’autres peuvent miser sur la protection de l’environnement et espérer attirer la sympathie d’un électorat sensible à la question. C’est d’ailleurs le cas actuellement des néodémocrates, des libéraux et des bloquistes. Même Andrew Sheer y a consacré un de ses discours récemment. Dans ce contexte, il est difficile de protéger son image de marque.

La montée récente du Parti vert du Canada dans les sondages vient en partie d’un intérêt réel de l’électorat envers la question environnementale, mais aussi d’une protestation contre les faiblesses des partis progressistes traditionnels. Il demeure que le vent souffle du bon côté pour le parti d’Elizabeth May. Ce sera par contre difficile de soutenir le rythme d’une campagne électorale sans offrir davantage et surtout sans mobiliser d’autres enjeux. L’électorat canadien est certainement prêt pour un discours environnemental assumé. Il reste à vérifier toutefois si cet électorat voit dans le Parti vert le meilleur véhicule politique pour l’incarner.

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