Désastre boulevard Saint-Laurent

L'auteure décrit le projet comme étant «une façade flottante qui ressemble à un mauvais décor de théâtre».
Photo: Société de développement Angus L'auteure décrit le projet comme étant «une façade flottante qui ressemble à un mauvais décor de théâtre».

Un manque de vision architecturale déconcertant semble s’acharner sur le paysage de Montréal. Un des derniers exemples de cela, c’est le projet Carré Saint-Laurent situé sur le boulevard du même nom. Celui-ci est adjacent au Monument-National, un immeuble d’un très grand intérêt architectural, symbole de surcroît de l’élan historique d’une société envers les arts, la culture et le savoir.

Est-ce qu’on s’est inspiré de celui-ci pour intégrer le nouveau bâtiment qui se trouve désormais à ses côtés ? Non. Il est tout bonnement ignoré. L’architecture du projet apparaît complètement déconnectée de son environnement, sans pour autant montrer le moindre signe d’originalité. Non seulement les bâtiments du XIXe siècle qui s’y trouvaient auparavant n’ont pas été conservés, mais leurs façades qui avaient été démantelées pour être remontées ne l’ont pas été, cela, malgré les promesses faites en ce sens pour conserver l’esprit de cette rue. Le nouveau bâtiment ne souligne en rien l’importance et la place de ce lieu dans l’histoire de Montréal.

On retrouve désormais sur cette portion de Saint-Laurent, le coeur de Montréal, une façade flottante qui ressemble à un mauvais décor de théâtre, ou, pour le dire autrement, à une caricature. La façade a été saupoudrée de vagues traces du passé qu’on a démoli comme s’il s’agissait d’une poudre de perlimpinpin capable de nous faire oublier la richesse que l’on a perdue. Des fenêtres, qui sortent d’on ne sait où, sont percées aléatoirement à travers ce décor, sans aucun lien avec celui-ci.

Consternant de banalité

 

Ce qui se trouve en hauteur, en faible retrait au-dessus de cette base est consternant de banalité. La partie se trouvant la plus près du Monument-National, et le dépassant en hauteur, est à angle par rapport au plan de la façade. Avec ses éléments métalliques verticaux qui s’avancent, cela donne l’impression, vue de biais, qu’on a planté là un énorme radiateur.

Le reste du bâtiment présente un mur-rideau avec du verre teinté à perte de vue. On aurait pu penser que l’occasion de construire à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent, deux rues mythiques dans l’imaginaire montréalais, aurait eu pour résultat un bâtiment ancré dans son contexte. Encore une fois, non. On a simplement ajouté des panneaux d’aluminium au mur-rideau. Sans vision, ce que l’on dessine sur ces rues nous renvoie de plein fouet le vide dans lequel les promoteurs nous destinent collectivement, sans que quiconque y trouve à redire.

Ironiquement, ce qui s’avère le plus intéressant dans ce curieux projet est la vérité qu’incarne, en courageux résistant, le bâtiment abritant le Café Cléopâtre. Dans ce contexte de verre et de métal, ce bâtiment apparaît comme un bijou précieux enserré dans un écrin d’insignifiance. La richesse matérielle de la pierre grise de Montréal, une pierre qui était la marque de cette rue emblématique, saute d’un coup aux yeux.

Le projet Carré Saint-Laurent s’avère particulièrement déplorable, mais il n’est, hélas, pas le seul du genre : plusieurs des édifices qui poussent comme des champignons au centre-ville de Montréal, faute de vision, ne sont guère plus enthousiasmants.

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