Écoutons les intérêts de la communauté anglophone

«Le nombre d’élèves peut bien être à la baisse, mais les communautés locales s’atrophient quand les écoles ferment leurs portes, et les élèves doivent se déplacer hors de leur quartier pour fréquenter une école anglaise», mentionne l'auteur.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir «Le nombre d’élèves peut bien être à la baisse, mais les communautés locales s’atrophient quand les écoles ferment leurs portes, et les élèves doivent se déplacer hors de leur quartier pour fréquenter une école anglaise», mentionne l'auteur.

Mercredi dernier, la Commission scolaire English-Montréal (CSEM) a reçu un avis formel de 30 jours de la part de Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation, qui invoquera des pouvoirs d’urgence pour transférer trois bâtiments scolaires de l’établissement anglophone à la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île.

Par conséquent, dans trois semaines, la communauté d’expression anglaise aura perdu ses trois écoles, même si la Loi sur l’éducation exige une consultation d’une durée de 18 mois avant la fermeture d’une école et du transfert subséquent possible de l’immeuble.

Ni les parents du quartier ni la communauté scolaire ni la communauté de langue anglaise générale n’ont été consultés.

Notre communauté a le droit constitutionnel de gestion et de contrôle de ses écoles. Le gouvernement ne peut pas supprimer et reconvertir de façon arbitraire les biens de notre infrastructure éducative. Pourtant, après le fiasco de Riverdale High en février, c’est la deuxième fois en quelques mois que le ministre adopte ce pouvoir confiscatoire extraordinaire.

Le nombre insuffisant de classes des commissions scolaires francophones découle des décisions d’intérêt public prises par le gouvernement du Québec, et la solution passe par le ministère de l’Éducation et les commissions scolaires francophones. S’ils n’ont pas suffisamment investi dans les infrastructures scolaires, il ne revient pas à nos commissions ou à notre communauté d’en payer les frais.

Nos écoles desservent notre communauté, et elles se trouvent là où elles sont nécessaires. Le nombre d’élèves peut bien être à la baisse, mais les communautés locales s’atrophient quand les écoles ferment leurs portes, et les élèves doivent se déplacer hors de leur quartier pour fréquenter une école anglaise.

La CSEM a posé plusieurs gestes de bonne volonté, y compris d’offrir de transférer l’école Galileo et ses 60 salles de classe à la Commission de la Pointe-de-l’Île. Cela a été possible parce que ce bâtiment n’est pas occupé par une école primaire ou secondaire et ferait l’objet d’un processus de consultation communautaire plus court. Bien que M. Roberge n’aurait dû avoir aucun rôle à jouer dans la négociation de ce transfert, il est intervenu indûment pour l’empêcher.

Gouvernement mal informé

 

Cette succession d’événements malencontreux représente une puissante illustration de la raison pour laquelle la communauté de langue anglaise a besoin de commissions scolaires ancrées dans la communauté et élues démocratiquement. Ces événements illustrent également à quel point le gouvernement est mal informé au sujet de notre communauté et comment il entreprend souvent des initiatives de politique publique majeures sans même demander de contribution utile ni essayer de comprendre les intérêts ou les droits de notre communauté, qui constitue 13 pour cent de la population du Québec, soit 1,15 million de personnes.

Le Secrétariat aux relations avec les Québécois d’expression anglaise a été formé au sein du Cabinet du premier ministre il y a un peu plus d’un an avec pour mission d’apporter sa contribution aux politiques du gouvernement avant et pendant le processus d’élaboration de politique publique. Hélas, l’apport de notre communauté à l’élaboration de décisions politiques, loin de s’être amélioré, s’est en fait dégradé.

La fonction publique et les décideurs politiques demeurent tout aussi ignorants des intérêts — et indifférents à leur égard — de notre communauté que jamais. Si le Secrétariat n’a pas été consulté concernant ces initiatives, ce n’est qu’un appendice ornemental inutile sur le corps politique. Si son opinion a été sollicitée, il a offert de mauvais conseils quant aux besoins et aux droits de notre communauté, ou bien son avis a été écarté. Dans les deux cas, le Secrétariat ne peut être considéré que comme un échec notable en ce qui concerne cet élément clé de sa mission.

Le Secrétariat a plutôt agi en tant que canal de financement public pour divers projets communautaires importants, une manoeuvre politique très bien connue qui consiste à acheter de la bonne volonté avec de l’argent bien ciblé. Ce qui peut être une bonne chose en soi, mais quelques sous ici et là pour des projets bien intentionnés de communautés locales est mince consolation quand nous nous heurtons à la disparition de nos commissions scolaires, à la réduction des services sociaux et de santé dans notre langue, à l’imposition de contraintes inconstitutionnelles sur nos libertés individuelles et à tout ce qui risque de suivre au cours des trois prochaines années du mandat du gouvernement actuel.

Nous demandons au premier ministre d’engager le dialogue avec la communauté d’expression anglaise du Québec, vu qu’il s’est attribué les responsabilités de ce dossier au sein du cabinet. Nous lui demandons d’ordonner à ses ministres de haut rang, à commencer avec M. Roberge, d’entamer un dialogue constructif avec notre leadership communautaire. Nous lui demandons de restructurer et de repeupler son Secrétariat afin que ce dernier puisse fonctionner réellement en tant qu’avenue pour des conseils, pour une conscientisation de la population anglophone du Québec et une connexion avec elle.

Moins de 1 % de la fonction publique provient de notre communauté. Le système n’est pas au courant de nos intérêts. Ce problème peut être résolu. La communauté actuelle de langue anglaise s’engage à jouer un rôle positif et actif dans la société québécoise. Il est grand temps de nous inclure !

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