Pour une économie verte

«Nos élus semblent fiers de désigner le Québec comme un «élève modèle en Amérique du Nord» en ce qui a trait à la lutte contre les changements climatiques. Est-il nécessaire de rappeler que l’Amérique du Nord fait piètre figure en matière de lutte contre les changements climatiques?», rappellent les auteurs.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir «Nos élus semblent fiers de désigner le Québec comme un «élève modèle en Amérique du Nord» en ce qui a trait à la lutte contre les changements climatiques. Est-il nécessaire de rappeler que l’Amérique du Nord fait piètre figure en matière de lutte contre les changements climatiques?», rappellent les auteurs.

Le 20 mars dernier, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, et Marc Baaklini, président de la Commission politique de la CAQ, ont publié le cahier de consultation Pour une économie verte afin de lancer une discussion en vue du conseil général des 25 et 26 mai prochains. Alors que le temps est à la crise, la CAQ entame des réflexions intéressantes, mais qui restent très superficielles. Les étudiant.e.s du collectif La Planète s’invite à l’Université souhaitent alimenter cette discussion. Par l’entremise de cette lettre, le collectif souhaite revenir sur les incohérences et les voies de réflexions non entamées par le cahier de consultation de la Commission politique de la CAQ.

Tout d’abord, le document consultatif est basé sur les objectifs de l’Accord de Paris (2015), alors que le dernier rapport du GIEC, groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat dont le Canada est membre, demande de tripler les engagements des pays signataires de l’Accord de Paris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 afin d’éviter une catastrophe environnementale. D’autre part, la CAQ martèle sans cesse que les mesures implantées par son prédécesseur — ou dans ce cas, l’absence de mesures — expliquent un bilan climatique bien en deçà des objectifs de 2015 pour le Québec. Pourquoi alors ne propose-t-elle pas des mesures réellement ambitieuses ?

Nos élus semblent fiers de désigner le Québec comme un « élève modèle en Amérique du Nord » en ce qui a trait à la lutte contre les changements climatiques. Est-il nécessaire de rappeler que l’Amérique du Nord fait piètre figure en matière de lutte contre les changements climatiques ? Pourquoi se comparer au pire alors que nous devrions figurer parmi les meilleurs ? Ainsi, devant l’occasion unique d’engager une transition innovante en matière de carboneutralité, de transports collectifs, d’infrastructures publiques favorables au renforcement des écosystèmes et de préservation du territoire, la CAQ se résigne à conserver un objectif de réduction des émissions de GES désuet et surtout insuffisant de 37,5 % d’ici 2030.

De surcroît, une partie importante du document consultatif se concentre sur la gestion des matières résiduelles. En plus d’apporter des solutions incomplètes aux problèmes liés aux déchets et au recyclage, la CAQ néglige des enjeux beaucoup plus fondamentaux dans la lutte contre les changements climatiques. En ce sens, la mise en place d’un « plan progressif de retrait du plastique à usage unique » ne fera jamais le poids contre l’utilisation massive des énergies fossiles. Si le gouvernement de la CAQ tient à lutter activement contre le réchauffement climatique, il doit faire preuve de cohérence et de courage en mettant un terme à des projets comme le gazoduc dans le nord du Québec et le troisième lien à l’est de Québec.

La CAQ néglige également des projets de transport collectif et actif au profit de l’augmentation du parc automobile. L’électrification des véhicules proposée ne fait que maintenir le statu quo en matière d’étalement urbain. L’aménagement du territoire est aussi un élément absent du document de la CAQ, alors que nous savons pertinemment que l’étalement urbain ravage des écosystèmes qui nous sont vitaux.

Pour conclure, la Commission politique de la CAQ présente dans son document consultatif quelques pistes de solutions qui s’orientent dans la bonne direction — à condition qu’elles se concrétisent — mais qui sont encore très loin de faire état de l’urgence climatique actuelle. Ce document confirme que le gouvernement connaît les chiffres, mais ne fait qu’effleurer un enjeu qui nécessite des propositions beaucoup plus étoffées. Une première étape serait de cesser de considérer que la protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques se font au détriment de l’économie ; comme tout système de croyance propre à l’activité humaine, celle-ci en dépend fondamentalement.

Nous espérons que ce document pourra enrichir les réflexions au sein du gouvernement.

 

*Ce texte est signé par les étudiant.e.s du collectif La Planète s’invite à l’Université Laval avec l’appui de La Planète s’invite à l’Université. Cosignataires : Andréane Moreau, étudiante en architecture de l’Université Laval ; Camille Poirot-Bertrand, étudiante en musique de l’Université Laval ; Émile Charron-Ducharme, étudiant en environnement de l’Université Laval ; Charles-David Desrochers, étudiant agroéconomie de l’Université Laval ; Sami Jai Wagner Beaulieu, étudiant en biologie de l’Université Laval ; François Trépanier-Huot, étudiant en sociologie de l’Université Laval ; Louis Couillard, étudiant en études internationales de l’Université de Montréal ; William Des Marais, étudiant au Cégep du Vieux-Montréal ; Simon Dubois, étudiant en politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.

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