La laïcité de l’État protège la diversité religieuse

«Ce qui fait peur à certains et anime ce conflit politique [...] est le port par des employés de l’État de symboles autres qu’un petit crucifix caché sous une chemise», écrit l'auteur.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir «Ce qui fait peur à certains et anime ce conflit politique [...] est le port par des employés de l’État de symboles autres qu’un petit crucifix caché sous une chemise», écrit l'auteur.

Je ne sais pas qui, ni pour quelles raisons, a eu l’idée de venir troubler la société québécoise avec un débat politique sur les symboles religieux. Tout d’abord, et il faut se le rappeler constamment, la discrimination basée sur la religion est interdite par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (disponible pour consultation gratuite en ligne). Des mesures qui empêcheraient l’embauche d’une personne à cause de ses croyances religieuses, qu’elles soient manifestées visiblement ou non, viendraient à l’encontre d’une valeur fondamentale québécoise et seraient illégales.

Cela étant dit, cette même charte attribue à l’État le droit de fixer la portée des droits fondamentaux pour la protection de « l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. »

Les partisans de l’interdiction en justifient donc le besoin par la protection d’un autre principe fondamental québécois : la laïcité de l’État.

Mais qu’est-ce, au fond, que cette laïcité ? Rien de moins que l’un des piliers des démocraties occidentales. La laïcité exige que l’État soit gouverné par les lois votées par les élus du peuple et non par des doctrines religieuses quelconques, soient-elles chrétiennes, juives ou bouddhistes.

La laïcité, cependant, n’interdit pas aux personnes ayant des croyances religieuses de travailler pour l’État. Si c’était le cas, nos fonctionnaires seraient tous des athées. En fait, la laïcité, par sa nature, protège le droit des citoyens ayant des croyances religieuses différentes de servir l’État, qu’ils soient catholiques ou protestants, pour autant qu’ils acceptent la suprématie des lois du peuple dans l’exercice de leurs fonctions. Contrairement, dans un régime non laïque, il serait impossible pour une personne pratiquant une religion autre que celle de l’État d’occuper sans crainte un poste civil.

Ce qui fait peur à certains et anime ce conflit politique auquel personne n’avait pensé il n’y a pas si longtemps, disons-le à voix vive, est le port par des employés de l’État de symboles autres qu’un petit crucifix caché sous une chemise. Les costumes exotiques, quoi. Par ce fait, certaines religions sont des cibles plus faciles que d’autres. Quelques-uns avancent même que les enseignants, étant une figure d’autorité aux yeux des élèves, devraient porter des costumes neutres pour éviter de laver le cerveau aux jeunes et de les convertir par osmose à une religion autre que la leur (s’ils en ont une). Or, je voudrais bien voir les statistiques des étudiants qui se sont convertis au judaïsme parce qu’un prof portait une kippa ou à l’islam parce qu’une enseignante couvrait ses cheveux avec un foulard.

S’il y a un lieu où il faut protéger la liberté de religion et la tolérance encastrées dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, c’est l’école. Quelle sorte de message transmettrions-nous à nos enfants si on refusait un poste à une prof parce qu’elle a des croyances religieuses qui incluent le port d’un beau symbole quelconque ? Au contraire, nos écoles se doivent d’être un portrait des libertés conquises par nos ancêtres : un symbole de la tolérance de notre société, qui est d’ailleurs ce qui a attiré en premier lieu des immigrants des quatre coins de la planète, dont plusieurs fuyant des persécutions religieuses dans leurs pays. Il ne faudrait pas qu’ils en trouvent ici.

Non, mes amis, la discrimination religieuse n’est pas justifiée par le bien de l’ordre public, ni par la laïcité de l’État. Elle est fondée sur la peur ancestrale de l’autre, dont la manifestation la plus sombre est connue par un autre nom : le racisme.

Au moment où ce débat horrifiant est relancé, envoyons un message clair à nos élus : la persécution religieuse est le domaine des dictatures. Elle n’a pas sa place chez nous.

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