Les énergies fossiles valent-elles plus que notre avenir?

Nous, La planète s’invite à l’Université, faisons des investissements de fonds publics dans l’industrie fossile un de nos chevaux de bataille. Nous demandons au gouvernement de s’engager, d’une part, à ce que soit liquidé entièrement le portefeuille fossile de la Caisse de dépôt et placement du Québec et, d’autre part, à ce que le capital-actions de Ressources Québec dans les pétrolières juniors de la Gaspésie soit vendu. Au passage, le gouvernement pourra en profiter pour réviser les critères d’allocation du Fonds vert afin qu’il puisse réellement s’accorder avec le nom qu’il porte.
Reconquérir notre avenir, c’est reconquérir l’allocation de nos fonds publics de manière à ce qu’ils cessent de mettre en danger les écosystèmes dont nos vies dépendent intimement. M. Legault, à la lecture de cette lettre, vous serez saisi de ce ménage à accomplir dans nos fonds publics. Le sérieux que vous y mettrez donnera une bonne idée à la population de vos réelles intentions en matière d’urgence climatique.
La Caisse de dépôt et placement du Québec
Savions-nous que nous étions tous et toutes actionnaires de 1,1 milliard de dollars d’actions d’une certaine pétrolière du nom de TransCanada ? Que nous avons investi 1,97 milliard dans Enbridge et 977 millions dans la française Total ? Ce sont là quelques exemples des actifs financiers fossiles de notre Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a choisi d’investir un total de 18,5 milliards des fonds de nos caisses de retraite collectives dans cette industrie mortifère.
Autrement dit, nous finançons présentement la sécurité de nos vieux jours sur le dos de la destruction à large échelle d’écosystèmes. C’est là une pauvre notion de sécurité, qui se limite à une conception financière de celle-ci : la sécurité, c’est aussi de l’air respirable, de l’eau potable et une température vivable.
Or, les éléments troublants de ces placements ne se limitent malheureusement pas à leurs conséquences écologiques. Un rapport de l’organisme Sortons la Caisse du carbone a démontré qu’entre 2011 et 2018, les 50 placements fossiles les plus importants de la Caisse ont généré une perte de 10 milliards de dollars. Ainsi, la non-légitimité de ces placements ne peut même pas être rattrapée par un argument économique ! Si ces placements n’ont aucun sens, tant sur le plan financier qu’écologique, pourquoi existent-ils ? Y aurait-il des motifs d’ordre politique qui nous échapperaient ?
Investissement Québec
La liste des institutions publiques qui investissent dans le secteur des hydrocarbures ne s’arrête malheureusement pas là. Investissement Québec (IQ), cette institution qui a pour mission, par un soutien financier aux entreprises, de stimuler l’emploi dans la province, tient un fonds de 1 milliard de dollars du nom de « Capital Mines Hydrocarbures ». Plus précisément, ce fonds est tenu par une filiale d’IQ du nom de Ressources Québec. C’est notamment par ce fonds que Junex, une pétrolière active en Gaspésie désormais fusionnée avec l’albertaine Cuda Energy, a pu financer le forage de ses puits de pétrole nommés Galt.
Encore là, la contradiction frappe : IQ a choisi de stimuler la création d’emplois dans un secteur qui pose un sérieux risque de contamination pour l’eau potable. Encore là, nous assistons à une pauvre notion de « travail », qui en préconise une conception strictement financière : un travail est avant tout, dans son principe général, un moyen de satisfaire ses besoins de subsistance. Un travail qui contribue à la dégradation des conditions de possibilités naturelles de nos existences entre donc en contradiction avec son principe même.
Le Fonds vert
Une fois pour toutes, cessons de présenter le gaz naturel comme une énergie de transition. Le gaz naturel dit renouvelable, dont nous savons que 5 % du réseau devra en contenir d’ici 2025, est une anecdote vis-à-vis du 95 % de gaz pour la majorité issue du controversé procédé de fracturation hydraulique dans l’ouest du pays.
Les 136 lobbyistes de la compagnie Énergir (Gaz Métro) ont dû accomplir un formidable travail pour que les agrandissements du réseau de distribution de gaz naturel soient financés en grande partie par le Fonds vert. À ce sujet, Énergir clame que le gaz naturel est moins polluant que le mazout et le diesel, excluant de son calcul le moment de l’extraction du gaz, dont les fuites de méthanes dites fugitives sont 86 fois plus dommageables que le CO2 sur une période de 20 ans.
Il semble que le non-sens, celui de remplacer une énergie fossile par une autre, a malheureusement eu gain de cause auprès des décideurs, chose que le présent mouvement social entend bien corriger.
* Ce texte est cosigné par les membres du collectif La planète s’invite à l’Université