Éthique et culture religieuse: la primauté de l’être humain

Dans une lettre d’opinion adressée au journal Le Devoir du mardi 5 mars 2019, M. Gaston Marcotte, professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et président fondateur du Mouvement Humanisation, propose la séparation du programme Éthique et culture religieuse (ECR) en deux cours distincts. Quelle monstruosité !
Nous commencerons alors avec quelques mots sur les finalités et les visées du programme ECR. À la base, deux grandes finalités soutiennent tout le programme : la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun. À travers celles-ci, l’élève est appelé à développer trois compétences : réfléchir sur des questions éthiques, manifester une compréhension du phénomène religieux et la troisième qui permet aux deux premières d’être en lien l’une avec l’autre, de pratiquer le dialogue.
Donc, contrairement à ce que soutient M. Marcotte, loin d’être « deux concepts totalement opposés de la nature humaine et de son développement », le cours ECR réussit là où l’enseignement religieux d’autrefois échouait. Le programme considère la personne humaine dans son entièreté et ne la voit pas comme une entité compartimentée, comme on voudrait le laisser entendre.
Ainsi, non seulement la proposition de M. Marcotte nous ramène 20 ans en arrière, quand justement la question religieuse faisait l’objet d’un cours propre à elle, mais elle démontre aussi une méconnaissance totale des finalités du programme d’ECR de sa part et par le fait même, un manque de rigueur dans l’argumentaire de sa pensée.
Ce qui est encore plus grossier est de prétendre qu’avec un « véritable programme d’éthique fondé sur la nature humaine », « les religions perdront progressivement leur raison d’être, puisqu’elles se fondent sur un monde surnaturel ». Montrer tant de hargne et de préjugés à l’égard des religions peut être compréhensible. Mais dans ce qu’elles ont de meilleur, elles se fondent sur la recherche du bien-être de la personne humaine, ses relations avec les autres et avec l’univers créé, et (aussi) ce qu’on appelle, le divin. Et là-dessus, Hubert Reeves dira que peu importe comment nous concevons Dieu, « ce besoin de sens est présent partout dans le monde ». L’humain est aussi spirituel, qu’on le veuille ou non. Et cette dimension, nous nous devons d’en tenir compte quand nous réfléchissons sur le sens de la vie, notre histoire et notre avenir.
Pas besoin de regarder bien loin pour voir l’application de ce principe dans la culture même du Québec. Malgré toutes les erreurs qu’on pourra lui trouver, notre histoire est enracinée et profondément marquée par le fait « religieux ». Il en va de même pour la plupart des cultures, dont l’histoire, les comportements ou les valeurs ne peuvent être compris sans tenir compte de leur histoire religieuse.
Effectivement, il est souhaitable que le programme ECR soit « fondé sur la primauté de l’humain et non de Dieu et des institutions religieuses ». Car il est, en effet, fondé sur la primauté de l’être humain, TENANT COMPTE des religions. Elles sont vues ici comme un phénomène d’étude qui « consiste en une compréhension des principaux éléments constitutifs des religions qui repose sur l’exploration des univers socioculturels dans lesquels celles-ci s’enracinent et évoluent. » (MEES, Programme Éthique et culture religieuse – présentation du programme) La distinction est ici essentielle. Et une mauvaise interprétation du programme a pour conséquences de provoquer des égarements.
Si le Programme de formation générale de l’école québécoise vise à donner aux élèves les outils nécessaires pour la construction d’une vision du monde, la structuration de l’identité et le développement du pouvoir d’action, alors le programme ECR est complet en soi. Car il permet une articulation avec tous les autres domaines d’apprentissage. Ainsi, nous pourrons former les adultes de demain, capables de comprendre la grande diversité collective qui constitue le Québec actuellement et d’en tenir compte.