Le bulletin, un guide pour l’élève et ses parents

En tant que professeures et professeur en formation initiale et continue des enseignants du primaire et du secondaire, spécialistes en évaluation des apprentissages, nous souhaitons réagir aux propos du ministre et soutenir les recommandations des membres du Conseil supérieur de l’éducation en regard du bulletin.
Le bulletin scolaire est un document fourni par l’école pour communiquer aux parents de façon claire et synthétique le résultat des apprentissages de leur enfant. La communication est la dernière étape d’une démarche d’évaluation où l’enseignant informe les parents de la progression de leur enfant par rapport aux apprentissages qu’il réalise et aux compétences qu’il développe.
Le bulletin scolaire assure ainsi un suivi entre l’école et la famille et représente un outil de communication d’une grande importance. Il y a consensus sur le fait que les parents doivent être informés régulièrement du cheminement de leur enfant et pas seulement lors de la remise du bulletin. En effet, d’autres moyens peuvent être mis en place par l’enseignant pour communiquer avec les parents, notamment le portfolio et l’agenda scolaire.
Avant les années 2000
Soulignons qu’avant les années 2000, le bulletin était géré par chaque école, qui décidait du format de celui-ci : bulletin descriptif, relevé de notes, résultats en lettres (A, B, C, D), en chiffres (1, 2, 3, 4), selon certaines expressions (réussite, réussite partielle, non-réussite), en pourcentage, ou une combinaison de codes (pourcentage pour certaines matières et cotes pour d’autres).
Après l’instauration de la Politique d’évaluation des apprentissages en 2003, dans laquelle on retrouvait comme première orientation l’évaluation en aide à l’apprentissage, certaines écoles ont poursuivi l’utilisation du bulletin descriptif et d’autres l’ont implantée. Il fallait trouver une façon de communiquer la progression des élèves en fonction d’une norme fixée en fonction des attentes du programme et non pas sur une base comparative entre les élèves eux-mêmes. C’était donc, pour certains enseignants, la fin des moyennes de groupe et d’une évaluation finale par cumul des points obtenus dans le bulletin.
Le bilan des apprentissages à la fin d’un cycle de deux ans faisait état du niveau de maîtrise des compétences développées pendant le cycle. En adoptant cette manière de faire, le Québec se montrait progressiste et exemplaire relativement aux pratiques évaluatives, chaque enseignant restant par ailleurs libre de choisir ses instruments et d’exercer son jugement professionnel. Ce principe signifie concrètement que l’évaluation ne sert pas seulement à produire un résultat au terme des apprentissages, mais aussi à guider les élèves face à leurs apprentissages.
Le chiffre, la seule valeur ?
Les nombreuses décisions ministérielles qui ont modifié la manière d’évaluer les élèves depuis 2007 semblent s’appuyer sur cette croyance populaire que seul ce qui est chiffré possède une valeur et est « vrai ». Rappelons que la production de résultats chiffrés traduit, hélas, beaucoup de faux échecs et même de fausses réussites. Le problème n’est donc pas uniquement de savoir si produire un résultat chiffré et une moyenne a du sens ou pas, mais surtout de savoir comment est effectué le calcul pour produire le résultat final qui détermine la destinée des élèves.
Nous pensons qu’il serait intéressant que les parents et les élèves se questionnent sur la diversité des pratiques à ce niveau et sur leur validité. C’est normal, l’évaluation n’est pas une science exacte. Bref, en voulant résoudre un problème, les instances ministérielles en ont au moins créé deux autres : le problème de la cohérence du système de notation avec les buts du curriculum et le problème de la validité des pratiques mises en oeuvre pour produire de tels résultats. Ces décisions ne s’appuyant pas sur des données probantes, il nous est permis de croire qu’elles sont fondées sur des a priori contestables.
C’est ici que le CSE intervient en documentant rigoureusement, à plusieurs reprises, la problématique de l’évaluation des apprentissages. Déjà, en 2008, un premier document intitulé « Rendre compte des connaissances acquises par l’élève… » relevait les situations problématiques en regard de l’évaluation des apprentissages et proposait des pistes intéressantes pour répondre aux besoins d’information des parents. Aujourd’hui, il revient à la charge en mettant en lumières les lacunes de notre système en proposant encore une fois des façons de faire qui mériteraient au moins une réflexion. Le nouveau ministre de l’Éducation, fort de son expérience en enseignement, devrait, minimalement, prendre acte de ce document et tenter de faire le test de la cohérence avec les prescriptions dictées par son ministère en matière d’évaluation. Les réformes au Québec durent près de 20 ans. Serions-nous prêts à amorcer une réflexion sur le sujet qui nous permettrait, à l’exemple de nos voisins de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, d’entrer de plain-pied dans le monde d’aujourd’hui ?
« L’évaluation ne sert pas seulement à produire un résultat au terme des apprentissages, mais aussi à guider les élèves face à leurs apprentissages. »
* Micheline Joanne Durand, professeure, Université de Montréal, Isabelle Nizet, professeure, Université de Sherbrooke, Anick Baribeau, professeure, Université de Sherbrooke, Carla Barroso da Costa, professeure, Université du Québec à Montréal, Sébastien Béland, professeur, Université de Montréal; membres de l’Association pour le développement de la mesure et de l’évaluation en éducation – ADMEE Canada