Des nouvelles encourageantes pour l’innovation sociale

Le ministre des Finances Bill Morneau
Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne Le ministre des Finances Bill Morneau

L’énoncé budgétaire du ministre des Finances du Canada présenté le 21 novembre dernier contenait des nouvelles majeures qui sont passées presque sous silence dans les médias québécois et canadiens. Pourtant, certaines mesures annoncées laissent espérer des avancées importantes pour l’innovation sociale et la finance sociale au Québec et se situent dans la lignée de démarches qui ont permis l’essor de l’économie sociale, chez nous, dans les vingt dernières années.

Parmi plusieurs annonces, l’énoncé fédéral incluait les premières mesures d’une stratégie d’innovation sociale et de finance sociale à venir — dont la création d’un fonds de finance sociale de 755 millions est l’élément central. L’innovation sociale, c’est-à-dire de nouvelles façons de faire face à des défis collectifs persistants, émerge un peu partout sur la planète comme une priorité, tout autant que l’innovation technologique, face à la dégradation environnementale et à la croissance des inégalités. L’engagement du gouvernement du Canada à mettre en place une stratégie en innovation sociale et finance sociale, qui fait suite au rapport du Groupe directeur pour la co-création d’une telle stratégie, constitue une bonne nouvelle. Quatorze ans après la première intervention fédérale en économie sociale par le gouvernement de Paul Martin en 2004, cette annonce ouvre la voie à une contribution fédérale à l’écosystème de soutien à la prise en charge collective dont le Québec s’est doté et qui est devenu un point de référence non seulement au Canada, mais à l’international.

Le rôle de l’économie sociale dans le développement socioéconomique du Québec est maintenant largement reconnu au Québec, comme en fait foi l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale d’une loi-cadre en 2013. La place importante qu’occupe l’économie sociale dans notre économie (plus de 10 % du PIB) et le rôle stratégique que joue la finance sociale dans le développement de nos villes et régions font du Québec un leader sur la scène mondiale dans ce domaine. À cet égard, le Québec a plusieurs longueurs d’avance sur les autres provinces canadiennes et a servi, au cours des dernières décennies, de source d’inspiration pour beaucoup d’acteurs à travers le Canada.

Nouvelles initiatives collectives

 

Ce positionnement de chef de file s’explique en partie par la place d’organisations centenaires comme Desjardins et la Coop fédérée et l’expérience unique d’autres leviers importants du développement collectif que sont nos fonds de travailleurs, le Fonds de solidarité FTQ et FondAction. Il s’explique aussi par la mise sur pied, au cours des vingt dernières années, d’organismes au service du développement de nouvelles initiatives collectives. Qu’il s’agisse des outils consacrés à la finance sociale, comme le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ) ou la Fiducie du Chantier de l’économie sociale, des organisations de transfert de bonnes pratiques, comme l’organisme Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS), ou des Pôles régionaux d’économie sociale présents dans toutes les régions du Québec, ces organisations, gouvernées par des représentants issus de l’économie sociale et leurs partenaires, ont permis la création et le développement d’initiatives innovantes qui n’auraient pas vu le jour autrement.

L’émergence de cet écosystème est aussi le résultat de la création, par les acteurs sur le terrain, d’une structure de concertation, de promotion et de développement du mouvement, le Chantier de l’économie sociale. Par cette structure de concertation, le dialogue social et les processus de co-construction de politiques publiques se sont enracinés dans nos façons de faire et ont eu pour résultat la création d’outils efficaces en réponse aux besoins sur le terrain.

La création d’un groupe directeur chargé de la cocréation d’une stratégie en innovation sociale et en finance sociale par le gouvernement du Canada en juin 2017 a suscité ainsi des attentes importantes au Québec, mais également certaines inquiétudes. Au cours des consultations menées par le comité, les acteurs du Québec ont été unanimes à souligner la pertinence des outils existant ici et l’importance que toute intervention fédérale reconnaisse les valeurs de prise en charge collective, de gouvernance partagée et de subsidiarité qui les caractérisent.

La mise à jour budgétaire vient confirmer non seulement un regain d’intérêt du gouvernement fédéral pour soutenir l’innovation au service des communautés en concordance avec ces principes, mais également une volonté de reconnaître les outils pertinents dont l’impact est démontré, entre autres la Fiducie du Chantier. Ces investissements importants renforceront, partout au Canada, les capacités des acteurs qui oeuvrent à générer une croissance plus inclusive.

Pour le Québec, cet aspect représente une continuité dans des démarches de co-construction, avec les acteurs du terrain et des outils au service de l’économie sociale. De façon tout aussi importante, cette mise à jour budgétaire représente une reconnaissance de la part du gouvernement fédéral et de nos partenaires canadiens des valeurs qui ont soutenu le développement de nos outils et de leur impact. On ne peut que s’en réjouir. Et offrir notre pleine collaboration pour la suite des choses.

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