Coercition et prise en charge des troubles mentaux

À chaque condition correspondent différents types d’interventions médicales, psychologiques ou sociales.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir À chaque condition correspondent différents types d’interventions médicales, psychologiques ou sociales.

Au cours des dernières semaines, plusieurs voix se sont élevées afin de dénoncer le manque d’accès à des soins et des services de santé mentale en temps opportun. Cette situation est évocatrice du malaise social persistant associé à la maladie mentale, à sa prise en charge inégale au Québec et à la multiplication des drames humains qui en résultent. Pourtant, le débat public associé à la prise en charge des personnes aux prises avec une problématique de santé mentale et leurs familles a cours depuis plus d’une décennie.

Il y a urgence d’agir.

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Les récents débats auxquels nous nous référons évoquent bien souvent la loi afin d’offrir une réponse à cet enjeu. Les leviers juridiques sont en effet nombreux et relèvent de mesures d’exception qui ne doivent être utilisées qu’en dernier recours. Ces leviers permettent d’hospitaliser la personne contre son gré (en contexte de dangerosité pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental) ou de lui imposer des soins sous certaines conditions (la personne doit être jugée inapte à consentir à des soins considérés requis par son état de santé et les refuser catégoriquement). En apparence simple, ces leviers sont pourtant méconnus et leur compréhension par les acteurs du système de santé est excessivement variable.

Il en résulte un inconfort multilatéral.

 

D’une part, les difficultés d’application et l’usage contestable de ces lois d’exception sont dénoncés, preuves à l’appui, par les associations de défense des droits en santé mentale. D’autre part, les professionnels de la santé et les parents de personnes aux prises avec une problématique de santé mentale dénoncent le manque de flexibilité des lois d’exception permettant d’hospitaliser ou de traiter une personne contre son gré. Pendant ce temps, la souffrance, la détresse et l’impuissance persistent de part et d’autre et nous avons l’étrange sentiment que la personne aux prises avec une problématique de santé mentale est laissée à elle-même.

Mais l’usage de coercition, puisqu’il s’agit bel et bien de coercition, est-il la seule voie de salut dans ce contexte ? Autrement dit, la réponse à la souffrance des personnes aux prises avec une problématique de santé mentale se traduit-elle nécessairement par l’atteinte à leurs droits fondamentaux ?

Si on peut parfois répondre « oui » à cette question, nous croyons que des solutions complémentaires pourraient être mises en oeuvre en amont de cette situation. La promesse d’un accès public élargi à la psychothérapie, l’optimisation de l’accès aux services de santé mentale de première ligne, la reconnaissance de l’expertise partagée par différents professionnels de la santé (infirmières, psychoéducateurs, travailleurs sociaux) ainsi qu’un cursus de formation destiné aux professionnels de la santé et adapté aux enjeux éthiques et juridiques de la santé mentale ne sont que quelques exemples d’initiatives à considérer.

Il s’agit avant tout de doter notre système de santé d’une capacité à personnaliser les soins et services offerts aux personnes aux prises avec une problématique de santé mentale, puisque à chaque condition correspondent différents types d’interventions médicales, psychologiques ou sociales. Il s’agit également de doter les professionnels de la santé des compétences leur permettant de comprendre les modalités d’application des lois d’exception, ainsi que d’accompagner ou de référer les familles dont un proche est aux prises avec une problématique de santé mentale au sein des services appropriés.

En somme, l’usage des lois d’exception permettant l’hospitalisation ou le traitement involontaire devraient avant tout rester… exceptionnels. C’est d’abord en s’assurant que les professionnels de la santé connaissent et comprennent ces lois qu’une meilleure coordination des services de santé mentale offerts par leur intermédiaire est possible.

Quant à l’accès à de tels services, nous croyons que les solutions sont plus organisationnelles que juridiques. Ces solutions ne manquent pas. Elles dépendent à notre avis d’une volonté politique visant à répondre au malaise persistant que nous avons tenté de décrire dans ce texte ainsi que d’un investissement conséquent dans les services de santé mentale, dont les services sociaux. Bien plus qu’une modification législative, la question de la prise en charge des personnes aux prises avec une problématique de santé mentale et de leurs familles nécessiterait peut-être de véritables états généraux au sein desquels les utilisateurs de services, leurs systèmes de soutien et différents acteurs du système de santé pourraient engager un dialogue constructif.

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