Public sélectif: la fuite en avant

Le 18 décembre prochain, nous « célébrerons » les 50 ans de la Loi sur l’enseignement privé, par laquelle le gouvernement du Québec allait commencer à transférer des fonds publics aux écoles privées. Ainsi commença un constant processus d’écrémage de l’école publique et le développement de la croyance populaire en la supériorité des écoles privées subventionnées (« leurs élèves ont de meilleures notes »).
L’école publique a réagi au départ de ses élèves en décidant de concurrencer le privé subventionné sur son terrain et d’offrir elle aussi des environnements exclusifs. Un 3e réseau, le public sélectif, a ainsi été mis sur pied (écoles internationales, sportives, alternatives, etc.), toutes des écoles qui ont acquis le droit de refuser des élèves.
Deux cas récents nous montrent que cette logique de concurrence a atteint sa limite. Le Devoir rapportait cette semaine qu’un projet d’école alternative à Sainte-Adèle aurait pour conséquence de sortir les enfants du public ordinaire de leur école de quartier pour laisser la place à ceux des classes alternatives. Pourquoi ne pas avoir tenté d’insuffler les idéaux pédagogiques des écoles alternatives aux écoles de quartier ? Il faudra se pencher sur les raisons profondes de cette volonté de démarcation.
Autre cas d’actualité, celui de l’école Cardinal-Roy dans le quartier Saint-Sauveur à Québec. La commission scolaire (CS) a déjà un programme sélectif dans l’école ; seules des classes de 1re secondaire et de 2e secondaire offrent encore le public ordinaire. Mais la concurrence du privé subventionné est forte et la commission scolaire veut toute la place pour le public sélectif. On enverrait donc loin de chez eux les élèves du quartier (la CS parle de redéploiement) qui auront raté l’exercice de sélection — qui est surtout économique dans ce cas-ci, les parents devant payer 3500 $ chaque année pour l’accès au sport-études.
Notre marché scolaire ne fonctionne pas. L’acceptabilité sociale pour la politique officieuse de ségrégation scolaire du Québec n’est plus au rendez-vous. Le gouvernement doit mettre fin à la fuite en avant du public sélectif en même temps qu’il doit mettre un terme au financement des écoles dites privées par les contribuables. Les enfants du Québec doivent apprendre ensemble.