En éducation, prioriser les vrais enjeux dès maintenant

«Ce qui rendra le système scolaire québécois plus équitable, c’est l’attention et le soutien qu’il donnera dès la petite enfance jusqu’à la fin du secondaire à tous les élèves», pensent les auteurs.
Photo: iStock «Ce qui rendra le système scolaire québécois plus équitable, c’est l’attention et le soutien qu’il donnera dès la petite enfance jusqu’à la fin du secondaire à tous les élèves», pensent les auteurs.

Lettre au nouveau ministre de l’Éducation

Vous connaissez l’intérêt, souvent marqué d’inquiétude, de la société québécoise à l’égard de l’éducation. Personnels et administrateurs scolaires, parents, journalistes, personnalités politiques (surtout durant la campagne électorale…), dirigeants syndicaux et groupes de citoyens ont fait part publiquement du piètre état de tout le système d’éducation. Il y a souvent convergence des points de vue, mais ne faut-il pas craindre que cette affirmation consensuelle de « l’importance de l’éducation » soit déjà devenue un lieu commun ?

Le temps du constat, voire de la déploration, est passé — vous en êtes sûrement conscient —, il est temps d’agir. À l’instar du premier ministre, vous dites vouloir être proche de la population et l’écouter. Nous sommes trois membres fondateurs du collectif Debout pour l’école ! qui compte plus de 1000 personnes de tous âges et de toutes les régions du Québec. Ces citoyennes et citoyens se sont regroupés, mus par une conception émancipatrice de l’éducation et pour la défense d’une école publique équitable et de qualité pour tous — ce qui est aussi votre objectif déclaré.

La priorité des priorités : valoriser tous les personnels scolaires

Le jour de votre assermentation, vous avez dit vouloir agir prioritairement sur trois questions : 1) la transformation des commissions scolaires en centres de services aux écoles, 2) le dépistage précoce des difficultés des jeunes enfants et la mise en place graduelle de maternelles 4 ans, et 3) un plan de rénovation des écoles et de construction de nouvelles écoles. Il faudrait que vous enquêtiez auprès de votre « million d’élèves » et de celles et ceux qui ont la mission de les instruire et de les éduquer, car nous doutons fort que ce soient leurs priorités.

Selon nous, il est urgent que le slogan Revaloriser la profession enseignante, qui était inclus dans votre programme, se transforme en mesures concrètes pour permettre au corps enseignant, comme à tous les autres personnels de l’éducation de l’école obligatoire, de mieux remplir leur mission. Pourquoi intervenir d’abord dans l’école obligatoire ? C’est que l’urgence de rectifier le tir y est encore plus grande qu’ailleurs. En effet, c’est là que les politiques néolibérales et d’austérité ont fait le plus de dommages au cours des deux dernières décennies et parce que c’est la base de la formation citoyenne. Il faut donc s’attaquer en priorité à ce qui nuit le plus aux apprentissages des élèves, en amène bon nombre à décrocher (psychologiquement ou physiquement) et va à l’encontre de la formation de citoyens responsables, un tant soit peu solidaires des autres et conscients de l’état de la planète. Sinon, la société québécoise court à sa perte. Le vivre ensemble est compromis.

Le corps enseignant et tous les autres personnels scolaires sont la pierre angulaire de l’école, vous le savez. La qualité de l’éducation pour une scolarité réussie est largement tributaire de leur travail.

Et qu’est-ce qui nuit le plus aux apprentissages des élèves au cours de la scolarité primaire et secondaire ? Hors de tout doute, les mauvaises conditions d’apprentissage : trop de mouvement dans le personnel scolaire en cours d’année (parce que trop de précarité, trop d’épuisement professionnel, trop de « décrochage professionnel »), trop d’élèves dans les classes, pas assez de soutien aux apprentissages de tous les élèves qui arrivent à l’école avec des déficits physiques, intellectuels, sociaux ou culturels.

Ce qui rendra le système scolaire québécois plus équitable, c’est l’attention et le soutien qu’il donnera dès la petite enfance jusqu’à la fin du secondaire à tous les élèves et particulièrement à ceux et celles qui en ont le plus besoin. Actuellement, c’est plutôt le contraire qui se passe, les programmes enrichis et les écoles qui pratiquent la ségrégation sociale et scolaire pullulent.

Dans le contexte de la concentration des médias d’information, les citoyens ont peu la possibilité de se faire entendre du pouvoir. Debout pour l’école ! a choisi un moyen très usité et souvent efficace : inviter toute la population québécoise à signer une pétition (en ligne sur notre site Web) que nous vous ferons parvenir d’ici quelques mois pour vous inciter à agir d’abord sur les enjeux cruciaux de l’éducation obligatoire. Peut-être voudrez-vous la signer. Une chose est certaine, au cours des prochaines années, nous poursuivrons notre travail de sensibilisation de la population aux grands enjeux de l’éducation et nous interviendrons pour défendre l’éducation au Québec. Nous serons ravis de vous rencontrer sur ce chemin.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

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