Le scrutin qui change tout

Les lendemains de l’élection historique du 1er octobre nous amènent en territoire inconnu. Après deux élections crève-coeur, la Coalition avenir Québec peut célébrer le soir de l’élection. Plusieurs constats peuvent déjà être faits à la lumière des succès et des échecs de chaque parti.
Le premier constat à faire est de dire que la Coalition avenir Québec a remporté une victoire franche. Ses appuis sont significatifs dans la très grande majorité des circonscriptions et ses députés se retrouvent dans toutes les grandes villes du Québec. C’est une bonne nouvelle pour ce premier gouvernement caquiste à qui certains prédisaient une exclusion de la métropole et surtout une deuxième place dans les voix exprimées. De plus, contrairement à plusieurs de ses percées à l’élection précédente (pensons aux prises faites au détriment du Parti québécois en 2014), le parti progresse de manière spectaculaire partout, en pourcentage mais aussi en nombre de votes. Malgré quelques ratés de campagne, le parti a su profiter de son élan pour se monter une liste de candidatures solides et surtout pour se présenter comme la seule autre possibilité par rapport aux libéraux. En ce sens, la victoire à l’élection partielle de Louis-Hébert nous paraît aujourd’hui comme fondatrice.
C’est tout le contraire pour le Parti libéral. Déserté par les électeurs en région au profit de la CAQ, mais également ébranlé à Montréal où on peut observer une baisse substantielle des taux de participation dans ses châteaux forts, le Parti libéral est aujourd’hui essentiellement un parti ethnique, protégé d’un écrasement plus sérieux par ses électeurs anglophones et allophones qui lui sont encore fidèles. Comme son grand frère à Ottawa, le PLQ a les ressources idéologiques et l’énergie pour rebondir. Mais la compétition à droite est maintenant bien installée, rendant l’espace pour naviguer plus hasardeux.
Une gifle sévère
Le Parti québécois n’a pas le luxe d’une base électorale concentrée. Il se devait donc de faire plus de 20 % pour espérer maintenir un caucus conséquent. Force est d’admettre aujourd’hui que Lisée avait raison d’offrir une coopération à Québec solidaire il y a plus d’un an. Cela lui aurait permis de sauver aisément Verchères, Taillon, Abitibi-Ouest, Pointe-aux-Trembles et combien d’autres circonscriptions où la division du vote à gauche lui a coûté des victoires. C’est un creux historique et une gifle sévère pour la gauche du gouvernement, indépendantiste de surcroît. La reconstruction sera longue et difficile alors que des régions entières sont maintenant des déserts pour le Parti québécois. Le parti aura par contre un caucus très solide puisque plusieurs têtes d’affiche parmi les plus jeunes ont survécu à la vague caquiste.
Il y avait ambiance de fête à Québec solidaire, qui célébrait ses victoires (plusieurs étincelantes d’ailleurs) qui lui permettent de dépasser le Parti québécois en nombre de sièges. Ses succès à Sherbrooke, à Rouyn-Noranda–Témiscamingue et dans Jean-Lesage sont particulièrement structurants pour le parti qui sort de ses électorats habituels. Il est tout de même curieux de voir la gauche de la gauche sourire alors que les Québécois viennent d’élire 106 députés affiliés à des partis de droite sur une possibilité de 125. Est-ce que ce parti qui a le vent en poupe finira par marginaliser le progressisme québécois en le transformant en bonne conscience de l’Assemblée nationale à la sauce néo-démocrate, comme à Ottawa ? Une fois le vin cuvé, il y aura une réflexion stratégique à faire dans les bureaux de QS.
C’est à partir de maintenant que la promesse réitérée en campagne par François Legault de réformer le mode de scrutin devient centrale. La CAQ, QS et le PQ ont plus des deux tiers des sièges. C’est à mon avis une légitimité suffisante pour mettre en place l’entente tripartite. Un passage à un mode de scrutin mixte avec une forte dose de proportionnelle rétablirait l’équilibre de la représentation entre les deux moitiés du spectre politique. Mais cela obligerait tout un chacun à abandonner l’idée de gouverner seul, sans compromis. Justin Trudeau n’a pas eu le courage de ses ambitions. Qu’en sera-t-il de François Legault ?