Où sont les mères de jeunes enfants dans les promesses aux familles?

Ce sont les services ­– tels que les CPE – plus que les allocations qui permettent d’amenuiser les inégalités entre les parents.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Ce sont les services ­– tels que les CPE – plus que les allocations qui permettent d’amenuiser les inégalités entre les parents.

À chaque campagne électorale, les chefs disent vouloir soutenir les familles, en leur facilitant la vie et en leur donnant du répit. Derrière ce discours générique se cachent plusieurs subtilités qui peuvent avoir un effet néfaste sur les mères, qui sont souvent la pierre angulaire de la famille. Car ce sont les femmes, et plus particulièrement les mères, qui bénéficient ou qui font les frais des mesures de soutien aux familles.

Il importe de souligner qu’aucun des partis ne propose ouvertement d’amenuiser les inégalités de genre. Québec solidaire a bien un onglet « féminisme » sur son site, mais les rubriques associées ne concernent pas les familles. Le Parti québécois, qui utilise le mot « famille » à douze reprises sur sa plate-forme, ne mentionne pas le mot « femme ». Rappelons que ce sont encore les femmes, et plus encore les mères, qui passent le plus de temps à faire des tâches ménagères et de soins, que ce sont elles qui travaillent le plus à temps partiel et que ce sont elles qui se retirent du marché du travail pour une période prolongée à la suite de la venue d’un enfant.

Que dit la recherche sur la conciliation travail-famille et l’égalité entre les genres ? Que ce sont les services plus que les allocations qui permettent de rééquilibrer les inégalités qui naissent lorsque les couples deviennent parents. Concrètement, des services de garde (SDG) de qualité et à faible coût soutiennent une « dématernalisation » des soins, en permettant aux mères d’être actives sur le marché du travail, alors que des mesures fiscales et les allocations ne modifient pas la division du travail selon le genre.

Deux partis politiques font fi de ces constats. Le Parti libéral souhaite offrir entre 150 $ et 300 $ par enfant pour que les familles puissent avoir la « liberté de choisir de l’investir dans ce qui leur facilite le plus la vie ». Pour une famille aisée, ce montant permet à peine de couvrir les frais de garde en CPE pour une semaine. Le PLQ promet aussi d’ouvrir 2000 nouvelles places en SDG, dont la majorité serait dans les CPE. Si la promesse est intéressante, elle ne tient pas la route, puisque le gouvernement Couillard a fait exploser le nombre de places en garderies privées depuis 2003. Enfin, le PLQ promet d’apporter des modifications au RQAP, en permettant aux parents de mettre en banque jusqu’à 10 jours de congé. Cette mesure, qui était déjà prévue dans le projet de loi 174, est favorable aux mères qui pourront utiliser les congés lorsque leur enfant est malade, par exemple.

Penchant nataliste

 

Beaucoup d’encre a été versée concernant le penchant nataliste des mesures proposées par la Coalition avenir Québec. La CAQ souhaite offrir une allocation familiale qui augmenterait le montant reçu lors de la naissance du deuxième enfant et des suivants. Actuellement, le crédit d’impôt dont bénéficient les parents peut atteindre jusqu’à 2430 $ pour le premier enfant et 1214 $ pour les suivants. M. Legault nie l’existence des économies d’échelle réalisées à la suite de la naissance du deuxième enfant, et souhaite offrir un crédit de 2430 $ pour tous les enfants. La mesure rappelle le bébé-bonus mis en place en 1988, également en porte à faux avec le principe d’économie d’échelle et qui offrait 500 $ à la naissance des deux premiers enfants, et 3000 $ pour les naissances subséquentes. Non seulement la mesure de Legault ne soutient pas l’égalité entre les genres, mais elle porte un parfum de natalisme-édulcoloré-version-2018. L’autre mesure phare de la CAQ, les prématernelles 4 ans, ne sont intéressantes que sous l’angle de la gratuité et par le fait qu’elles seraient financées par le ministère de l’Éducation, rappelant la vocation éducative des SDG à la petite enfance. Pour le reste, les CPE peuvent très bien continuer de s’occuper des enfants de 4 ans.

Le Parti québécois est le seul à ne pas offrir de nouvelles allocations aux familles. M. Lisée souhaite plutôt améliorer « l’accessibilité aux services de garde éducatifs » en donnant la « priorité au développement de nouvelles places en centres de la petite enfance » et en réduisant les tarifs. Des études ont démontré un taux de satisfaction plus élevé à l’égard des CPE que des garderies privées, même celles subventionnées. L’idée de revenir à l’essence politique familiale de 1997 en privilégiant le développement des CPE est la meilleure voie à suivre. Le PQ propose aussi d’offrir des lunchs aux enfants des écoles primaires dont le coût varierait entre 1 $ et 5 $. Cette mesure pourrait soulager les mères, souvent responsables de la préparation des repas. Une telle mesure pourrait créer de l’emploi chez les femmes, puisque les repas seraient préparés par des organismes communautaires et d’économie sociale. Dommage que le PQ n’ait pas saisi l’occasion de préciser qu’il n’était pas seulement le parti des familles, mais aussi celui des mères et de l’égalité entre les genres.

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