Retour sur l’étalement urbain

La réduction de l’étalement urbain, de la congestion et des effets de serre n’est pas pour demain, se désole l'auteur.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir La réduction de l’étalement urbain, de la congestion et des effets de serre n’est pas pour demain, se désole l'auteur.

Six ans après l’entrée en vigueur du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD), la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a commencé à dévoiler son bilan. On insistera sur le fait que, depuis six ans, aucune zone agricole n’a été dézonée, que la part des maisons unifamiliales dans les mises en chantier est passée de 50,3 % en 2002 à 9,6 % en 2017, que les aires terrestres protégées ont augmenté de 886 hectares et que le périmètre urbain à l’intérieur duquel le développement devait se réaliser a été respecté.

Ce qu’on ne nous dira pas, c’est que, selon une nouvelle méthode de mesure de l’étalement urbain que j’ai mise au point et que j’ai été invité à présenter à l’Université Harvard en novembre et au Congrès mondial de science régionale à Goa, en Inde, en juin, de 2006 à 2016 :

1– la population de la deuxième couronne montréalaise a augmenté de 19,2 %, alors que celle de la ville centrale n’a augmenté que de 5,9 % et celle de l’aire métropolitaine totale, de 9,5 % ;

2– le rapport entre la densité de la deuxième couronne et celle de la ville centrale a augmenté de 11 % (alors qu’à Toronto, elle baissait de 3 %) ;

3– la limite métropolitaine entre l’urbain et le rural s’est déplacée vers l’extérieur et a englobé une superficie additionnelle de 188 kilomètres carrés, ce qui représente une superficie égale à 65 % de celle de la ville centrale (ce qui est énorme, en seulement dix ans).

À cela s’ajoute le fait que de 2008 à 2018, les coûts de la congestion routière métropolitaine sont passés de 1,85 milliard à 4,2 milliards de dollars.

Devant un tel tableau, Philippe Rivet, responsable de l’Observatoire du Grand Montréal à la CMM, se déclare encouragé par l’évolution des choses et déclare que le PMAD a permis « de stopper l’étalement urbain tel qu’on le conçoit, soit un étalement sur les terres agricoles ». Voilà tout le problème, l’étalement urbain ne se résume nullement au dézonage agricole.

Monsieur Rivet et les responsables du PMAD devraient savoir que :

1– densifier plus rapidement la périphérie que le centre, c’est de l’étalement urbain ;

2– augmenter les distances moyennes des déplacements résidence-travail, c’est de l’étalement urbain ;

3– favoriser le déménagement des ménages du centre vers la périphérie en construisant de nouvelles écoles en banlieue alors que celles du centre tombent en ruine, c’est de l’étalement urbain ;

4– parsemer le territoire de soi-disant aires TOD (Transit-Oriented Development), c’est de l’étalement urbain (le PMAD ne détermine rien de moins que 155 soi-disant TOD dans la région métropolitaine) ;

5– étendre les réseaux routiers, autoroutiers, et même de transport en commun tous azimuts, c’est aussi de l’étalement urbain.

Le plus désolant dans tout cela, c’est de voir que notre futur gouvernement pourrait être encore pire que le présent à ce chapitre, lui qui est susceptible d’être élu essentiellement par les banlieues. La réduction de l’étalement urbain, de la congestion et des effets de serre n’est, hélas, pas pour demain.

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