La Maison des aînés, l’utopie caquiste

J’admire Marguerite Blais. Quand elle parle du sort des aînés en perte d’autonomie, de leur solitude, de la maltraitance, du maintien à domicile, de la dévalorisation du rôle des préposés aux résidents et des responsabilités des aidants, elle s’exprime avec coeur en toute connaissance de cause.
Elle explique fièrement en entrevue le concept des futures Maisons des aînés. Oui, la population est vieillissante, il faut prévoir intelligemment, et, selon la CAQ, que soient remplacés les CHSLD, effacer ce « mot » ou plutôt ce sigle à connotation péjorative, en s’inspirant de ce qui se fait déjà de mieux ailleurs.
Les Maisons des aînés, est-ce une offre de l’État à confier surtout au privé ? Un beau mirage pour baby-boomers que les réseaux de résidences privées courtisent déjà à fond. Est-ce le début de la fin du réseau d’établissements publics ?
Avant la réalisation de la vision futuriste de la CAQ, dont le slogan est MAINTENANT, existent les besoins criants de nos parents que nous accompagnons au cours d’un processus d’évaluation aussi ardu que démoralisant, que nous visitons dans des établissements plus ou moins bien adaptés à leur état ou des unités prothétiques non idéales, découlant d’un choix qui n’en est pas vraiment un, il s’agit plutôt d’une déstabilisante option par défaut. Devons-nous, nous leurs enfants, comprendre qu’ils sont une génération sacrifiée condamnée somme toute à la désuétude des CHSLD ?
Des questions sans réponse
Puisqu’il y a une vie avant le CHSLD, comment un hypothétique gouvernement de la CAQ ferait-il pour corriger les lacunes du soutien au maintien à domicile MAINTENANT ? Pour améliorer le suivi en première ligne par une équipe multidisciplinaire non pas seulement au sein d’un GMF ou CLSC mais aussi à domicile ? Pour que soit reconnue l’importance capitale de centres de jour voués à la stimulation et à la socialisation des aînés, afin d’assurer leur multiplication ou leur rétablissement s’ils ont été abolis pour cause d’austérité ? Pour que ces centres oeuvrent en lien avec de vraies cliniques de mémoire partout au Québec ?
Quelles solutions miracles envisage la CAQ afin de diminuer le délai d’attente des aînés « parqués » provisoirement, mais en fait trop longtemps, dans des unités d’hébergement en centre hospitalier, en proie à une détresse psychologique parce qu’ils n’ont pas droit à un vrai milieu de vie malgré le statut de CHSLD conféré à ce lieu de transition ? Les aidants peuvent-ils espérer être moins accablés quand vient le temps de la relocalisation d’un proche soit en ressource intermédiaire soit dans un CHSLD, pourquoi avoir à subir un délai expéditif afin de procéder ? Une loi serait-elle promulguée pour encadrer le recours aux antipsychotiques dans les établissements de soins de longue durée ? Et songerait-on, comme en France, à déclarer peu efficaces et à dérembourser les médicaments anti-Alzheimer (Aricept, Reminyl, Exelon, Ebixa) ?
Si les Maisons des aînés constituent la solution d’avenir, quelle serait la mission des ressources intermédiaires MAINTENANT ? Quelles améliorations la CAQ apporterait-elle illico au réseau actuel ? Resserrer et uniformiser les normes quant à l’embauche du personnel soignant ? Imposer la présence obligatoire d’une infirmière 24 heures sur 24 ? Exiger des aires communes vraiment conviviales, des repas variés de qualité et des programmes d’activités sous la seule responsabilité d’éducateurs spécialisés ou techniciens en loisirs ?
Des Maisons des aînés nec plus ultra, ça fait rêver, mais une triste réalité nous rattrape, nous, les baby-boomers, en partageant le cauchemar imposé MAINTENANT à nos parents qui ne peuvent pas aspirer à être traités dignement. Pourtant ils le méritent tout autant que nous, mais ils ne sont pas les électeurs à séduire…