Un supplément pour enfant handicapé inéquitable

Le parent qui assume lui-même la garde et les soins de son enfant handicapé a droit à 25 632 $ par année à titre de soutien étatique (en moyenne), alors que la famille d’accueil à qui on en confiera la charge en lieu et place obtiendra 44 254 $ (en moyenne).
Photo: Jaren Wicklund Getty Images Le parent qui assume lui-même la garde et les soins de son enfant handicapé a droit à 25 632 $ par année à titre de soutien étatique (en moyenne), alors que la famille d’accueil à qui on en confiera la charge en lieu et place obtiendra 44 254 $ (en moyenne).

Selon une étude réalisée par la firme Raymond Chabot Grant Thornton, le parent qui assume lui-même la garde et les soins de son enfant handicapé a droit à 25 632 $ par année à titre de soutien étatique (en moyenne), alors que la famille d’accueil à qui on en confiera la charge en lieu et place obtiendra 44 254 $ (en moyenne). Un écart de plus de 18 000 $ que les parents s’expliquent difficilement. Si le gouvernement leur accordait un soutien financier équivalant à celui dont bénéficient les familles d’accueil, certains d’entre eux pourraient laisser leur emploi pour s’occuper eux-mêmes de leur enfant. Faute d’un tel soutien, ils se voient au contraire contraints de « placer » leur enfant dont l’état nécessite une attention ou des soins continus.

25 632 $
Soutien de l’État octroyé à une famille « naturelle »

Interpellés tour à tour sur les résultats de l’étude, le ministre de la Famille, Luc Fortin, et le premier ministre Philippe Couillard ont tous deux refusé de corriger ce que tous les observateurs sans exception ont qualifié d’iniquité gênante. M. Fortin s’est simplement engagé à procéder à une révision des critères d’admissibilité au « Supplément pour enfant handicapé nécessitant des soins exceptionnels » (SEHNSE), alors que le premier ministre s’est retranché derrière une froide rhétorique économique. « Il pourrait y avoir de l’amélioration, a-t-il déclaré, mais à la hauteur des moyens disponibles. »

Conventions internationales

 

Pour le premier ministre, tout semble devoir s’apprécier ou se mesurer à l’aune d’indicateurs économiques ou budgétaires. Étonnamment, le chef du gouvernement, dont l’une des principales missions est d’agir à titre de législateur, oublie qu’il convient aussi de s’en remettre au droit et, plus spécialement, au droit international.

44 254 $
Soutien de l’État octroyé à une famille d’accueil

Le Canada a ratifié l’importante Convention relative aux droits de l’enfant en 1991, alors que le Québec s’y est déclaré lié par décret l’année suivante. Dans le préambule de la Convention, on énonce que « […] la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté ». À l’article 3, on rappelle que l’intérêt de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui le concernent.

Dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que le Canada a ratifiée en 2010 et à laquelle le Québec s’est déclaré lié la même année, on prévoit que « […] les enfants handicapés doivent jouir pleinement de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales ». On précise qu’il revient à l’État de fournir aux familles “naturelles” l’assistance dont elles ont besoin « […] pour contribuer à la pleine et égale jouissance des droits de leurs enfants handicapés ».

Selon le droit international, l’intérêt d’un enfant handicapé est donc de grandir au sein de sa propre famille, et non pas d’un milieu de substitution. Ce principe de primauté parentale et familiale, qui n’a rien d’inusité, trouve d’ailleurs écho dans la législation interne québécoise, notamment dans la Loi sur la protection de la jeunesse et dans le Code civil du Québec. Tout doit être mis en oeuvre pour que l’enfant, quelle que soit sa situation, puisse demeurer auprès des siens. Ce n’est qu’à titre subsidiaire, lorsqu’il n’est pas possible de faire autrement, qu’un milieu d’accueil doit être envisagé.

Qu’une étude révèle une mauvaise répartition des précieuses ressources de l’État est en soi désolant. Mais encore plus désolante est la réaction du premier ministre, qui s’en accommode allègrement. On parle ici d’êtres humains, d’enfants et de familles vulnérables. On parle également de justice sociale et de droit. N’est-ce pas là de « vraies affaires » dont le gouvernement devrait s’occuper sans délai ? Après la gestion pitoyable du dossier des avions-ambulances dans lesquels les parents des enfants transportés n’étaient pas admis jusqu’à tout récemment, on se serait attendu à un peu plus d’ouverture et de vigilance de la part de M. Couillard. Le simple fait qu’on ait besoin de rappeler les engagements internationaux d’un gouvernement là où la compassion en elle-même devrait suffire à faire bouger les choses est pour le moins troublant.

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