Antibiotiques en agriculture: le cas du Québec

L’Ordre des médecins vétérinaires du Québec souhaite réagir à l’article publié dans le journal Le Devoir le 28 juin dernier, concernant les antibiotiques utilisés en agriculture.
Il est vrai que la résistance aux antibiotiques est un problème mondial, et canadien, très préoccupant. Toutefois, la situation au Québec ne saurait se comparer à celle du reste du Canada. De nombreuses mesures ont été mises en place au cours des 50 dernières années pour favoriser une utilisation judicieuse des antibiotiques chez les animaux d’élevage. L’article n’en fait aucune mention.
L’Ordre souhaite donc mieux informer la population sur la situation au Québec. Déjà, dans les années 1970, des mesures incitatives avaient été élaborées par le ministère de l’Agriculture de l’époque pour favoriser une utilisation rationnelle des médicaments, y compris les antibiotiques.
Le lancement du Programme d’amélioration de la santé animale (ASAQ) est venu financer partiellement les services des médecins vétérinaires praticiens pour ainsi les rendre plus accessibles aux éleveurs. Cela a fait en sorte que les médicaments sont mieux utilisés et administrés selon la bonne posologie et que les périodes de retrait sont mieux connues des éleveurs. Notons également la fondation du CDMV en 1972, qui a permis d’encadrer les prix et les marges de profit des médicaments vétérinaires, encourageant ainsi les éleveurs à passer par le médecin vétérinaire pour leurs achats, plutôt que de s’en procurer à la quincaillerie ou dans un autre magasin. […]
La première action réglementaire est entrée en vigueur en 1984. Il s’agit de la création de la liste des médicaments ne pouvant être utilisés que sous ordonnance vétérinaire. Elle découle de la mise en application de l’article 9 de la Loi sur les médecins vétérinaires. À partir de ce moment, un grand nombre de médicaments ne pouvaient plus être utilisés par les éleveurs s’ils ne détenaient pas de prescription vétérinaire. Ce fut également la fin des ventes de médicaments d’ordonnance, dont les antibiotiques, par les magasins généraux agricoles.
En 1986, l’inscription d’une prohibition générale et ainsi l’obligation de détenir un permis délivré par le ministre de l’Agriculture pour pouvoir mélanger et vendre des moulées médicamentées et l’obligation de posséder des prescriptions vétérinaires pour l’ajout de médicaments dans cette moulée (Loi sur la protection sanitaire des animaux) auront également contribué à un meilleur contrôle de l’utilisation des médicaments dans l’élevage des animaux. Ce permis comporte le respect de diverses mesures : détenir la prescription du médecin vétérinaire, posséder des équipements qui assurent l’homogénéité et la juste teneur du mélange et se soumettre au régime d’inspection prévu.
En 1993, le ministère de l’Agriculture mettait en place le Programme québécois d’antibiosurveillance vétérinaire. Depuis, les résultats de ce programme sont publiés annuellement et ils permettent notamment aux médecins vétérinaires d’être informés sur l’évolution des résistances observées. Ce programme leur permet également de faire un meilleur choix d’antibiotiques. […]
En 2001, la création d’Agri-Traçabilité Québec et, depuis, l’implantation graduelle des obligations de traçabilité des animaux vont permettre de joindre rapidement le propriétaire d’un animal lors de la détection d’une anomalie (résidus ou autres indices d’utilisation récente d’antibiotiques) à l’abattoir. Dès le début des années 2000, un comité sur l’antibiorésistance regroupant l’ensemble des intervenants impliqués dans l’élevage d’animaux de consommation a été créé. Ce dernier s’est doté d’un plan d’action annuel. Puis, en 2011, ce plan d’action a été intégré à la Stratégie québécoise de santé et de bien-être des animaux et a engendré la mise en place de plusieurs mesures intéressantes pour la prévention de l’antibiorésistance. Notons, par exemple, l’établissement de ponts avec la médecine humaine afin d’avoir des actions concertées en matière d’antibiorésistance ou le démarrage de travaux destinés à intégrer « la résistance aux antibiotiques » dans les réseaux de surveillance des maladies animales.
En septembre 2012, l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec rendait obligatoire, pour tous les médecins vétérinaires du Québec, la réussite d’un programme de formation continue de six heures traitant de l’usage judicieux des antimicrobiens. Les objectifs de ce programme étaient de renforcer la sensibilisation des médecins vétérinaires quant aux enjeux liés à l’usage des antimicrobiens et de lutter ainsi contre le phénomène de l’antibiorésistance. Parallèlement, une formation sur l’utilisation judicieuse des antibiotiques a été intégrée au cursus du doctorat en médecine vétérinaire de l’Université de Montréal pour assurer la compétence des futurs médecins vétérinaires en la matière.
Il est vrai que, le 1er décembre 2017, le gouvernement du Canada a procédé à d’importants changements réglementaires rendant la prescription obligatoire pour l’usage vétérinaire des antimicrobiens importants sur le plan médical (AIM) à travers le Canada. Toutefois, au Québec, la prescription est obligatoire depuis près de 30 ans. C’est une nuance que nous jugions important d’apporter.
Bien que de nombreuses mesures soient en place au Québec depuis de nombreuses années, nous ne prétendons pas que la situation est parfaite et c’est pourquoi nous poursuivons nos efforts en ce sens. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique mondial de premier plan. L’Ordre se réjouit de voir le Canada emboîter le pas au Québec et espère que la lutte contre l’antibiorésistance deviendra de plus en plus concrète, partout à travers le monde, tant en santé humaine qu’en santé animale.
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