Revaloriser l’oeuvre d’Auguste Descarries

Les oeuvres du compositeur Auguste Descarries méritent d’être diffusées sur toutes les tribunes et dans les médias, selon l'auteure.
Photo: Association pour la diffusion de la musique d’Auguste Descarries Les oeuvres du compositeur Auguste Descarries méritent d’être diffusées sur toutes les tribunes et dans les médias, selon l'auteure.

Le compositeur André Mathieu connaît de nouvelles heures de gloire dans le cadre des célébrations entourant le 50e anniversaire de sa mort. Sa cause a été brillamment portée jusqu’à présent par Alain Lefebvre, un pianiste bien en vue, et défendue par des éditions sérieuses, sans parler des films et des ouvrages sur son histoire singulière. Fort bien !

Hélas, comme l’indique l’entrevue intitulée « Bruno Laplante, le sauveur de patrimoine », réalisée par Christophe Huss et parue dans Le Devoir du 23 juin, combien d’autres compositeurs québécois sont laissés dans l’ombre depuis des décennies, en attente de « sauveurs » qui vont les tirer vers la lumière ? Pourtant, avant Bruno Laplante et ses éditions de musique canadienne, de nombreux efforts ont été déployés pour nous faire connaître les différents chapitres de notre histoire musicale, que ce soit par l’édition de partitions (ex. : les 25 volumes édités de 1982 à 2003 par la Société du patrimoine musical canadien), la promotion des compositeurs et la conservation de leurs oeuvres (le Centre de musique canadienne), la diffusion radiophonique (émission Suite canadienne à Radio-Canada dans les années 1980), les enregistrements (les 39 coffrets de Radio-Canada International, 1978-1991), la recherche musicologique (publiée dans différentes revues). Au moment de dresser le bilan, comment expliquer que les oeuvres des Achille Fortier (pourtant éditées et enregistrées par le pianiste Réjean Coallier), ou encore celles d’Emiliano Renaud, Lionel Daunais, Omer Létourneau et Antoine Dessane, parmi tant d’autres, demeurent des maillons manquants dans la chaîne médiatique reliant nos balbutiements à la musique d’aujourd’hui ?

C’est avec l’idée de reconstituer l’un de ces maillons qu’a été fondée, en 2012, l’Association pour la diffusion de la musique d’Auguste Descarries (ADMAD), avec le soutien de la famille du compositeur. Prix d’Europe en 1921, Descarries a reçu une formation unique pour l’époque auprès des musiciens russes qui s’étaient réfugiés à Paris après 1917. À son retour en 1929, il a généreusement redonné à la société québécoise par son enseignement, ses écrits, ses conférences et, surtout, plusieurs dizaines de compositions, qui méritent d’être diffusées sur toutes les tribunes et dans les médias.

Le chemin parcouru depuis six ans par l’ADMAD pourrait faire l’objet d’un ouvrage en soi. Contentons-nous d’évoquer les faits saillants de cette aventure : agrégation d’Auguste Descarries au Centre de musique canadienne, enregistrement de ses oeuvres religieuses (Productions XXI), édition d’une trentaine de partitions manuscrites (Éditions Outremontaises, Éditions du Nouveau Théâtre Musical), gravures par des musiciens sur commande de l’ADMAD (Aleksey Shegolev, Julien Proulx) ou dans le cadre d’études universitaires (Isabelle David), organisation de conférences et de concerts en partenariat (notamment avec la Société d’art vocal et la Fondation Arte Musica), remise de bourses annuelles, commande d’articles sur la vie et l’oeuvre de Descarries, parution d’un bulletin annuel, élaboration d’un site Web et enrichissement de l’article Wikipédia sur le musicien, etc. Le travail est sans fin. Il s’avère parfois difficile de fournir à la tâche et de trouver le financement nécessaire pour mener à bien tous les projets (pour l’heure, trois CD en perspective). Comme l’expose pertinemment Marie-Thérèse Lefebvre dans son article sur Descarries publié dans Les Cahiers des Dix (67, 2013, 149-186) : « Ce travail d’édition et d’enregistrement des oeuvres qui appartiennent à notre patrimoine culturel est essentiel pour mieux comprendre le développement de la musique québécoise. […] Que penserait-on d’un enseignement de la littérature ou des arts visuels qui ne reposerait que sur des titres, mais dont les livres et les tableaux auraient disparu ? »

En ma qualité de présidente de l’ADMAD, je voudrais exprimer la joie que j’éprouve en particulier à la découverte de chaque oeuvre qui naît ou renaît, issue de la mise au jour d’un manuscrit entreposé depuis 60 ans, et qui réussit à définir avec une précision accrue les traits d’Auguste Descarries, de l’homme et de l’artiste. Il ne reste plus qu’à souhaiter qu’il se forme autant de nouvelles associations qu’il existe de compositeurs oubliés. Ainsi, Bruno Laplante se sentira moins seul dans sa galère !

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

À voir en vidéo