Fini la récréation à la Silicon Valley

Mark Zuckerberg semble toujours vouloir nous présenter l’image innocente du «geek» de Harvard, dont la société Facebook n’est qu’une entreprise technologique dont on doit pardonner les excès et erreurs, déplore l'auteur.
Photo: Nam Y. Huh Associated Press Mark Zuckerberg semble toujours vouloir nous présenter l’image innocente du «geek» de Harvard, dont la société Facebook n’est qu’une entreprise technologique dont on doit pardonner les excès et erreurs, déplore l'auteur.

En lisant l’article « Mark Zuckerberg promet d’en faire plus » dans Le Devoir du 22 mars 2018, je ne peux que me demander pendant combien de temps nous allons tolérer ces princes de Silicon Valley qui semblent pouvoir oeuvrer en toute impunité.

Zuckerberg semble toujours vouloir nous présenter l’image innocente du « geek » de Harvard, dont la société Facebook n’est qu’une entreprise technologique dont on doit pardonner les excès et erreurs au profit du progrès technologique. Nous ne sommes qu’une entreprise technologique, aime-t-il marteler à chaque critique. Nous ne pouvons pas être tenus responsables de ce que les gens font de notre outil, ou des effets néfastes qu’il peut y avoir sur la société. Les gens sont responsables de leurs vies et de leurs décisions — mentalité néolibérale mouture Silicon Valley typique.

Donc, Zuckerberg a fini par sortir de son mutisme comme vous l’avez reporté. Il admet des erreurs, et va faire ce qu’il faut pour réparer ça, nous assure-t-il. Comme le « coder » en chef, aime-t-il nous faire valoir. On dirait qu’il était enterré dans ses algorithmes, venant tout juste de réaliser où en sont les choses dans le reste du monde…

Mais la réalité en est autrement. Ça doit faire un bon moment que le chef de Facebook n’a pas vu une ligne de code, ou un algorithme. La réalité est que Facebook est une entreprise cotée en Bourse depuis 2012. Facebook n’appartient plus à Zuckerberg, et ce dernier se doit d’être soumis à un conseil d’administration en bonne règle, et au code d’éthique dont on s’attend d’une telle entreprise. Le chef de Facebook est plutôt un homme d’affaires qui se déplace dans l’avion de l’entreprise à la rencontre de responsables réglementaires gouvernementaux, d’investisseurs et de clients potentiels, comme tout autre chef. Il doit s’assurer que la valeur de l’entreprise en Bourse continue de croître pour le bien des investisseurs.

D’autres exemples

Quand je regarde la débâcle de la manipulation d’informations personnelles et l’influence à laquelle ont été assujettis les abonnés de Facebook, je ne peux que me demander ce qu’il en aurait été du chef d’entreprise dans une industrie différente, dans les mêmes conditions. Que dire du chef de Toyota dans le cas des problèmes d’accélérateurs sur les Prius ? Que dire du chef de Volkswagen dans le scandale de manipulation des résultats de performances sur leurs voitures à carburation diesel ? Et les banques dont les données de cartes de crédit ont été partagées ? La liste de cas similaires est longue, et dans une majorité de ces cas, les chefs ont été forcés de démissionner.

Donc, je crois que cette culture de responsabilité doit aussi s’appliquer aux entreprises technologiques de Silicon Valley. Facebook, dans le cas présent, et voire Uber dans le cas de l’accident avec l’une de ces voitures sous conduite automatique. Je crois que Mark Zuckerberg se doit de démissionner dans la foulée des révélations concernant Facebook. Sinon, le conseil d’administration doit l’exiger. En tant que directeur de cette entreprise, il devait être au courant qu’il y avait un minimum d’activités louches concernant les données de ses clients. S’il ne l’était pas, ça démontre aussi un problème de contrôle de son entreprise. Dans les deux cas, ce sont typiquement des motifs de démission pour le chef.

Par contre, dans ce cas-ci, on peut se demander si ce n’est pas plutôt par convenance que personne ne s’offusque trop de ce qui se passe chez Facebook. Il semble y avoir un double standard de responsabilité par rapport à d’autres grandes entreprises cotées, d’avoir un jeune « geek » en jeans et t-shirt noir qui se présente comme un peu naïf. On ne voudrait pas trop défaire un outil aussi important.


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