Lettres: De la misère d'être historien...

Ainsi donc, nous apprend Michel Bélair dans Le Devoir des samedi 10 et dimanche 11 avril derniers, Charbonneau et le Chef, l'excellente pièce de John Thomas McDonough, reprend l'affiche au théâtre Maisonneuve ce mardi. J'applaudis bien volontiers.

Mais en tant qu'historien de profession, je me lamente en même temps de la force du théâtre, force si grande qu'elle ancre dans l'esprit des spectateurs des stéréotypes qui peuvent être fort éloignés de la réalité. La trame d'ensemble est authentique: Duplessis était bien opposé à la grève d'Asbestos, Charbonneau l'appuya sans l'ombre d'un doute. Là où des stéréotypes s'installent, c'est, par exemple, quand on décrit les grévistes comme victorieux dans cette grève. Les mineurs d'Asbestos qui acceptent d'en parler en ont gardé un souvenir amer et pas du tout celui d'une victoire.

Et, pour ce que je connais mieux, l'idée voulant que Mgr Charbonneau ait dû démissionner de son siège d'archevêque de Montréal à cause de sa position en faveur des grévistes d'Asbestos est tout simplement fausse. La chose a été prouvée maintes fois par les historiens, textes et preuves à l'appui. Mais rien à faire: le public reste convaincu que c'est à cause des pressions de Duplessis à Rome que l'archevêque de Montréal est allé finir ses jours en exil à Victoria. Renaude Lapointe avait été la première à accrocher le grelot dans L'Histoire bouleversante de Mgr Charbonneau (1962) et McDonough est venu river le clou dans Charbonneau et le Chef. Et on n'en démord plus...

Je veux bien l'accorder: le théâtre est plus fort que l'histoire. Mais on nous l'accordera aussi: l'histoire est plus proche de la vérité...

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