Le genre en jeu au hockey sur glace à Pyeongchang

Interrogé sur l’autorisation donnée aux Norvégiennes et aux Suédoises d’effectuer des mises en échec au tournoi olympique de hockey sur glace féminin à Pyeongchang, le président de la Fédération internationale de hockey (IIHF), René Fasel, a soutenu lundi que « c’est une très mauvaise initiative » et que « l’erreur qu’il ne faut absolument pas faire, c’est quand les femmes essaient de jouer comme les hommes. Les femmes devraient plutôt jouer comme des femmes ».
Réaffirmant tous les stéréotypes sexués associés à la pratique du sport, Fasel s’est par la suite justifié en ajoutant que le hockey est « perdu » si on autorise les charges, car « la technique et la rapidité font la beauté du hockey féminin ». Pas besoin donc de mise en échec au hockey féminin selon Fasel. Ce qu’il faut protéger, « c’est l’attractivité et la beauté ».
Loin de prendre position dans le débat autour de l’interdiction ou non des mises en échec au hockey (tous sexes confondus), notre propos vise ici à montrer comment les représentations du masculin et du féminin inculquées de façon durable dans les rites et les imaginaires, comme l’ont mis au jour Françoise Héritier et Pierre Bourdieu, placent les femmes sportives devant l’obligation de faire la preuve de la construction sociale de leur féminité.
Les mots choisis par Fasel en sont des exemples éloquents : « attractivité », « beauté », « technique ». Les hockeyeuses doivent miser sur ces qualités réputées féminines pour sauver leur sport. Reléguant ainsi les femmes dans une logique du paraître, Fasel va encore plus loin en séparant les hockeyeurs des hockeyeuses par un coefficient symbolique négatif : « Les femmes n’arriveront jamais à jouer comme les hommes, a-t-il poursuivi. Il leur manque la force. Il leur manque la rapidité. Il leur manque le physique. »
Stéréotypes hommes-femmes, sources d’inégalités dans le sport
À l’instar de toute pratique sociale, le sport, en particulier le hockey sur glace, fait l’objet d’un marquage sexué. Il contribue à la formation et à la reproduction de l’opposition binaire masculin-féminin, qui s’appuie, pour reprendre Bourdieu, sur les schèmes de perception dominants (actif/passif, rapide/lent, force/fragilité) et conduit ainsi à considérer les femmes comme le « sexe faible ».
Ce système de pensée, qui fonctionne de manière évidente, comme naturelle et allant de soi, explique notamment pourquoi le sport masculin est mis en valeur, voire glorifié, dans les médias et le sport féminin dévalorisé et laissé en marge. Soulignons d’ailleurs que, dans la presse écrite ou à la télévision, il suffit de parler de « sport » en général pour désigner le masculin alors qu’on doit constamment préciser « sport féminin » pour faire référence aux femmes.
Les stéréotypes à peine voilés véhiculés par Fasel pour établir que les mises en échec n’ont pas leur place au hockey sur glace féminin relèvent d’une logique argumentaire qui ne repose que sur des constructions mentales reproduisant les inégalités de genre. La tenue de propos infondés de cet acabit ne saurait avoir d’autre conséquence que l’accentuation de la dimension normative du sport pour les femmes (exigences spécifiques de beauté, de grâce, de finesse, de discipline, de performance technique), qui tendent à cantonner les femmes dans une fonction d’objet esthétique.
Il est navrant que le débat sur la mise en échec au hockey soit réduit à une question de féminin et de masculin par des personnes en situation d’autorité, alors même que l’on passe sous silence le véritable problème, qui est celui des conséquences à court et à long terme de l’introduction des mises en échec sur la santé des sportifs. Celles-ci peuvent en effet être la cause de blessures physiques graves et de séquelles psychologiques tenaces, des maux qui refusent, eux, de faire la distinction entre les hommes et les femmes.