Lettres: Petite histoire quotidienne du personnel soignant

Y a-t-il une journée où notre système de santé ne fasse pas l'objet d'une critique quelconque? Tantôt, c'est la lenteur des listes d'attente pour les traitements qu'on dénonce, tantôt, c'est la compétence du personnel soignant qu'on met en doute. Avec les récents débats sur les droits intrinsèques de l'individu, ceux-ci auraient pris trop de place au détriment des droits du malade. A-t-on déjà osé présenter l'autre côté de la médaille, le quotidien du personnel soignant, où la passion de bien soigner est au coeur du travail? Je me permets de raconter l'histoire suffisamment représentative de notre milieu qui, j'ose espérer, réveillera chez les lecteurs quelques sentiments de compréhension et de reconnaissance à l'égard de toute la profondeur du dévouement de notre travail.

Avec une hépatite virale de type C foudroyante dont le grand risque de transmission est connu de tous, cette patiente devait inévitablement passer à une cirrhose du foie en phase terminale. Elle nous a été référée pour une transplantation du foie. Heureusement pour elle, un foie lui a été trouvé. Elle a donc été transportée au bloc opératoire pour subir cette intervention chirurgicale majeure. Avec l'équipe infirmière dévouée et efficace, les chirurgiens de compétence irréprochable, le tandem anesthésiste-inhalothérapeute prêt, la patiente était entre bonnes mains. Jamais la moindre remarque désobligeante ou une note de réticence de la part de l'équipe soignante: nous étions conscients que la patiente représentait un risque potentiel et qu'une blessure avec du matériel contaminé pouvait nous causer bien des inquiétudes sur plusieurs aspects.

Malheureusement pour la patiente, la chirurgie était beaucoup plus compliquée que prévu: les saignements ne tarissaient pas. Très rapidement, la patiente n'a plus été capable de faire des caillots; les complications de coagulation étaient inévitables. Une vigoureuse transfusion de divers produits sanguins était essentielle. Une consultation des hématologistes était judicieuse. Encore là, ils ont été grandement disponibles et ont fourni une aide précieuse.

Plutôt que de prendre trois ou quatre heures, cette intervention a duré presque 12 heures, ce qui a nécessité une immense quantité de matériel chirurgical et un nombre impressionnant de produits sanguins. Pas une piqûre accidentelle, pas la moindre plainte de la part de l'équipe traitante. Malgré la sévérité des complications pendant la procédure, la patiente a été transférée aux soins intensifs avec des fonctions physiologiques plus qu'acceptables. Comment pouvait-on mesurer notre satisfaction devant ce travail si épuisant mais si gratifiant?

À notre grand étonnement, la patiente a évolué de façon remarquable, elle n'a eu aucune complication majeure malgré cette chirurgie si laborieuse. Après plusieurs jours, nous étions toujours impressionnés par les progrès de notre patiente.

Malgré toutes les difficultés de notre système de santé à bien des égards, puisse l'histoire vécue par notre patiente, espérons-le encore, faire mentir plusieurs critiques irresponsables du personnel soignant. Pour encore bien longtemps, la passion de bien soigner n'aura aucun prix aux yeux de ceux qui en bénéficient.

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