Ne pas freiner l’implantation de la maternelle 4 ans

J'ai lu avec intérêt votre éditorial du samedi 20 janvier sur la politique pour la réussite éducative des enfants de 0 à 8 ans dévoilée par le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx. Plus loin dans votre article, vous faites référence à une étude sur la maternelle 4 ans à temps plein en milieu défavorisé, menée par Christa Japel, professeure à l’UQAM. Dans cette étude, madame Japel constate certaines lacunes dans l’environnement éducatif de ce service. Qu’en est-il vraiment ?
En 2009, j’étais directrice d’école et avec l’équipe, nous avons implanté la première maternelle 4 ans à temps plein dans un milieu défavorisé (TPMD) de Montréal. Nous avons travaillé avec une équipe expérimentée de chercheuses de l’UQAM, dont faisait partie madame Christa Japel. Avec cette équipe d’experts, nous avons mis en place différentes activités pour accompagner les enfants de 4 ans dans leur développement global afin de mieux les préparer à la maternelle 5 ans. Nous avions alors rencontré la ministre de l’Éducation de l’époque, Marie Malavoy, pour lui présenter notre projet et pour lui démontrer l’importance d’offrir un service de qualité à des enfants qui ne fréquentaient pas les CPE. L’objectif de cette mesure était de réduire l’écart de développement entre les enfants les plus vulnérables et ceux qui étaient prêts pour l’école.
Inspiré par ce projet-pilote, le projet de loi no 23 a été adopté par l’Assemblée nationale en juin 2013, en stipulant qu’il fallait implanter des maternelles 4 ans TPMD en ciblant les enfants de 4 ans les plus vulnérables. Le but ultime était d’offrir un service de qualité à ces tout-petits qui ne fréquentaient pas les CPE pour réduire l’écart de développement entre les enfants.
Des lacunes à combler
Or, les fonctionnaires du ministère de l’Éducation n’ont pas tenu compte des différentes activités proposées par les chercheuses de l’UQAM (programme Fluppy, activités favorisant le développement des fonctions exécutives, de la motricité globale, du développement du vocabulaire ou des activités en numératie et en littératie). Il ne faut donc pas s’étonner que la qualité du service ait encore des lacunes à combler.
De plus, le ministre de l’Éducation doit investir davantage dans l’aménagement (mobilier, matériel) et dans la réduction du ratio (2 adultes pour 15 élèves). Vous avez raison de dire qu’il faut continuer d’évaluer le service offert afin de corriger le tir. Or, bien qu’une amélioration du service soit nécessaire, pourquoi faudrait-il freiner l’implantation de ces maternelles 4 ans à temps plein dans les milieux défavorisés ? Ce service permet à ces tout-petits de socialiser, de s’adapter à un milieu scolaire, d’apprendre des routines, de développer leurs compétences dans différents domaines, etc. Entre l’option de rester à la maison ou de bénéficier des bienfaits de la maternelle, le choix s’impose de lui-même !
Faut-il rappeler que les enseignantes du préscolaire ont une formation universitaire de quatre ans en éducation et qu’elles possèdent indéniablement les compétences professionnelles nécessaires pour prendre en charge un groupe d’enfants de 4 ans ? La question n’est pas là. Ce sont les mesures de soutien mises en place pour les aider dans leur travail qui sont un enjeu.
Les CPE accueillent des enfants de 0 à 4 ans qui peuvent bénéficier d’un service de qualité. Or, 80 % des enfants fréquentent un service de moindre qualité. Voici quelques données statistiques publiées par madame Christa Japel qui devraient nous renseigner sur la qualité des services offerts aux enfants de 4 ans avant leur entrée en maternelle 5 ans :
28 % en milieu familial CPE
24 % en milieu familial privé (non régi)
18 % en CPE (meilleure qualité)
16 % en garderie privée
6 % famille, voisine
7 % autre.
La grande majorité des enfants a fréquenté un service de moindre qualité tandis que 20 % de l’échantillonnage n’ont pas fréquenté de service de garde avant l’entrée en maternelle.
Que ce soit pour des raisons économiques, sociales ou culturelles, plusieurs parents décident de garder leur enfant de 4 ans à la maison. Or, quand l’école de quartier offre la maternelle 4 ans à temps plein en milieu défavorisé, les parents viennent y inscrire leur enfant tout naturellement. L’école est un lieu institutionnel reconnu et rassurant pour les parents.
Je suis d’avis que la société québécoise doit continuer d’implanter des maternelles 4 ans à plein temps dans tous les milieux défavorisés du Québec. Nous avons la chance d’avoir un système hybride (CPE et maternelles 4 ans TPMD). Il faut en faire bénéficier tous nos tout-petits. Cette dernière mesure essentielle est complémentaire au réseau des CPE. Elle permet aux enfants les plus vulnérables de notre société d’avoir accès à un service dont le but est de réduire l’écart de développement entre les enfants avant leur entrée à la maternelle 5 ans.