Lettres: Spectacle décadent

Les gens de notre époque n'ont pas de leçons à servir aux générations qui les ont précédés. Le spectacle de Jackass et les spectateurs qu'il attire parlent d'eux-mêmes. Il serait intéressant de lire le jugement que l'on portera sur notre collectivité quand, dans 50 ou 100 ans, des historiens se pencheront sur notre petite histoire et relateront de tels débordements. Facile de dénoncer les autres, de s'indigner des extravagances de Caligula, de la barbarie des Croisés, des bûchers du Moyen Âge, des tortures dans les camps de concentration, des Irakiens qui tabassent des cadavres, des déversements de pétrole en mer. Mais cette semaine, il ne s'agissait plus des autres; il s'agissait de nous.

On peut tenter de justifier le phénomène Jackass par le rejet d'une société aseptisée. Il n'en reste pas moins qu'il faut ne pas savoir quoi faire de sa peau — avec jeu de mots — et manquer singulièrement d'idéal autre que celui d'avoir des préoccupations pécuniaires pour descendre aussi bas. Nous avons chacun la responsabilité de désavouer des comportements indignes même de l'homme des cavernes, dont certains ne sont pas encore sortis: encore une fois, on constate qu'il est plus facile de niveler par le bas que de tenter de s'élever.

Ce spectacle de la vulgarité a un coût social à la vue de tant de jeunes qui se régalent de la vulgarité des autres, quand ils ne tentent pas de rivaliser avec cette même turpitude. Alors, faut-il garder le silence? On en a vu se vanter à la télé d'avoir voulu imiter leurs idoles et en avoir subi des séquelles. Qui paie les pots cassés? Cette vantardise en dit long sur le système de valeurs de celles et ceux qui devraient incarner la relève, vouloir réformer la société, corriger les inégalités, améliorer le sort des plus faibles d'entre eux. Ce ne sont pourtant pas les causes valables qui manquent...

Je veux bien détourner mon regard de la tristesse de ce spectacle pour le porter sur ceux qui excellent en arts, en sciences, en affaires... qui travaillent au bien-être des autres. Toutefois, la présence de Jackass soulève mon indignation et j'aimerais voir autant de mains se lever à la première occasion pour empêcher la violence de se manifester dans ces spectacles dégradants que l'on en voit quand un policier commet une erreur de jugement, quand une personne en vue manque aux règles de la conduite en société, quand un personnage politique fait un faux pas.

Pour contrebalancer des critiques méritées, qu'aurons-nous à proposer à l'admiration des générations futures? Quelles réalisations feront notre honneur à notre époque? Que laisserons-nous à l'histoire? Autre chose que ce pitoyable spectacle, j'espère!

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