Faire de la transition énergétique davantage qu’un voeu pieux

Malgré des cibles ambitieuses, le Québec semble bien mal amorcer sa transition énergétique. Si la tendance se maintient, la province réussira difficilement à atteindre les objectifs qu’elle s’est elle-même fixés pour 2030 : réduire de 40 % sa consommation de produits pétroliers et diminuer ses émissions de GES de 37,5 %.
Ce constat, c’est celui de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, rendu public dans son rapport L’état de l’énergie au Québec 2018. Ses observations sont sans équivoque : les interventions du Québec ne sont manifestement pas à la hauteur de nos ambitions. L’industrie éolienne québécoise a exprimé les mêmes craintes lors des récentes consultations de Transition énergétique Québec (TEQ), le nouvel organisme gouvernemental à la barre de cette transition.
La transition énergétique, c’est d’abord et avant tout un important effort d’électrification de plusieurs secteurs de notre économie : nous n’avons qu’à penser aux secteurs des transports et de l’industrie pour réaliser rapidement l’ampleur des progrès possibles. L’état de l’énergie au Québec 2018 démontre qu’il y a là plusieurs occasions pour progresser. Sans oublier que le Québec importe 53 % de son énergie — du pétrole, du gaz naturel et du charbon — au détriment de notre balance commerciale.
Ces efforts doivent aller de pair avec ceux liés à l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Des actions à concrétiser
Alors que les cibles sont saluées, les actions, elles, tardent à se concrétiser. Il est particulièrement préoccupant que le gouvernement ait mandaté TEQ de réduire de seulement 5 % la consommation de produits pétroliers au Québec d’ici à 2023. Cela nous obligera à effectuer une réduction sept fois plus importante pendant la deuxième moitié de la période couverte par la Politique énergétique.
Il s’agit d’une cible intérimaire trop peu ambitieuse, qui n’augure rien de bon pour la réussite de la Politique énergétique et pour l’atteinte des objectifs de réduction d’émissions de GES du Québec. En d’autres mots, cette façon de faire donne l’impression que le gouvernement du Québec veut remettre à plus tard ses efforts les plus considérables, faisant même douter de sa volonté de respecter ses engagements.
Pendant que le Québec tarde à adopter des mesures concrètes et que d’autres évoquent des « surplus » d’énergie (rappelons-nous que nous en importons davantage que nous en produisons), le secteur continue d’évoluer à la vitesse grand V. L’Alberta vient d’annoncer l’octroi de projets éoliens à moins de 4 cents du kilowattheure. Il s’agit d’une manifestation concrète d’une tendance observée à l’échelle mondiale : le prix des énergies renouvelables est appelé à être inférieur à celui des approvisionnements « traditionnels », comme l’hydroélectricité, le nucléaire ou le gaz naturel. À ce prix, l’énergie éolienne est même appelée à concurrencer celui du fameux bloc patrimonial au Québec.
Au-delà des cibles, c’est peut-être l’approche même qu’il faut reconsidérer. Dans le secteur de l’énergie, nous avons pourtant des décennies d’expérience et de savoir-faire en tant que précurseurs. Électrifions, consommons mieux et développons nos atouts, au bénéfice de notre économie et de nos clients dans les marchés extérieurs.
C’est pourquoi le gouvernement du Québec a tout intérêt à développer une vision plutôt que de se fier à des cibles, certes ambitieuses, mais peu soutenues. Le Québec a la chance de se tourner vers une économie du XXIe siècle dans son secteur énergétique, avec toutes les retombées que cela pourrait engendrer. Il s’agit d’une occasion à saisir. L’industrie éolienne québécoise sera l’alliée de tous ceux qui voudront porter une telle vision pour que le concept de transition énergétique dépasse le statut de voeu pieux.