L’école québécoise forme-t-elle de bons lecteurs?

Le 5 décembre étaient rendus publics les résultats de la dernière enquête PIRLS réalisée en 2016 et portant sur l’évaluation de la compréhension en lecture des élèves de 4e année du primaire. Alors que la situation relève de la catastrophe en Belgique francophone et en France, où on observe une chute continue des performances des élèves durant les 15 dernières années, le Québec ne s’en sort pas trop mal ! Les résultats de nos élèves se situent nettement au-dessus de la moyenne internationale, ils sont en hausse par rapport aux enquêtes réalisées en 2001 et en 2011 et dépassent même la moyenne canadienne.
Et ces résultats vont dans le même sens que ceux révélés il y a un an à propos des performances en lecture des élèves québécois de 15 ans dans le cadre de l’enquête PISA qui situait les élèves québécois parmi les meilleurs au monde.
Malgré toutes les limites que présentent les indicateurs fournis par ce type d’enquêtes et le contexte dans lequel ces dernières ont été réalisées au Québec — faible taux de participation et surreprésentation des écoles privées —, se pourrait-il que l’école québécoise, si décriée par certains, forme quand même d’assez bons lecteurs ? Et si oui, quels seraient les facteurs expliquant une telle situation ?
En comparaison avec ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique, trois facteurs méritent d’être relevés : l’importance accordée à la lecture à l’école, la promotion de la lecture pour tous et la formation des enseignants.
Plan d’action
Le Plan d’action pour la lecture à l’école mis en oeuvre entre 2005 et 2011 a permis de dégager des moyens financiers pour commencer à renouveler le contenu des bibliothèques scolaires, engager plus de bibliothécaires spécialisés dans les écoles et offrir des activités de formation continue aux enseignants dans le domaine de la lecture. Un programme de recherche financé par le ministère a également été mis en place afin d’augmenter la base de connaissances autour des différentes dimensions de l’apprentissage et de l’enseignement de la lecture auprès de tous les publics d’élèves. Le rapport d’évaluation de la mise en oeuvre du Plan soulignait la nécessité de développer ces actions à long terme. Malheureusement, le régime d’austérité budgétaire a sonné le glas ou diminué l’ampleur de plusieurs actions qu’il serait essentiel de relancer.
Sur un autre plan, de nombreuses recherches ont montré l’influence de facteurs extrascolaires dans le développement des capacités en littératie, dont la qualité des pratiques vécues dans le milieu familial : les occasions offertes aux enfants de pratiquer la lecture, d’y prendre plaisir, d’être en contact avec des adultes lecteurs et d’avoir entre les mains des livres de qualité dans différents contextes. La qualité des services offerts par le réseau des bibliothèques publiques joue en ce sens un rôle fondamental. Il faut aussi souligner l’importance du travail réalisé par les organismes visant à rehausser les compétences des parents faiblement alphabétisés.
Au-delà du contexte familial, c’est l’ensemble des environnements fréquentés par les enfants et leurs parents qui peut avoir une incidence déterminante. C’est ce qu’a compris la Ville de Longueuil en mettant en place un Plan d’action en matière de littératie, lequel a permis de multiplier les lieux de contact avec les livres et les opérations de valorisation de la lecture.
Formation des enseignants
Enfin, les résultats des élèves sont à mettre en relation avec la qualité des pratiques pédagogiques mises en oeuvre au quotidien par les personnes enseignantes. Cela conduit à évoquer les modèles de formation initiale et continue de ces professionnelles et professionnels. Le Québec a fait le choix de former ses enseignantes et enseignants du primaire et du secondaire dans des programmes universitaires longs de quatre ans articulant la formation théorique et pratique. Dans ces programmes, la didactique de la lecture occupe une place à consolider, car les apprentissages à faire sont nombreux. En prenant appui sur une diversité de savoirs issus de la recherche et sur l’observation des pratiques dans les milieux scolaires, les étudiantes et étudiants sont amenés à connaître les processus impliqués dans la lecture et à prendre conscience du rôle essentiel joué par les compétences en littératie dans la réussite scolaire ainsi que dans le développement personnel et professionnel futur de leurs élèves. Ils doivent aussi avoir une connaissance critique des productions destinées aux jeunes et aux adolescents, dont celles sur les nouveaux supports numériques.
De notre point de vue, la combinaison des choix faits par le Québec en matière de promotion de la lecture à l’école et en dehors de l’école ainsi que de formation à l’enseignement pourrait bien expliquer en grande partie le fait que l’école québécoise forme, tant bien que mal, de bons lecteurs, comparativement à ce qui se passe en Europe francophone. Les orientations choisies et les programmes de soutien à la lecture constituent donc des points d’ancrage essentiels pour la mise en place de la nouvelle politique de la réussite éducative, articulée autour de l’importance du développement des compétences en littératie. Alors qu’un nouveau programme de formation de l’école québécoise verra sans doute bientôt le jour, nous sommes prêts à oeuvrer pour que les prochains choix politiques permettent de consolider les acquis et de franchir un pas de plus dans l’atteinte de cibles de performance encore plus ambitieuses.
* Les professeures et professeurs membres du Collectif : Olivier Dezutter, Christiane Blaser, Martin Lépine, Godelieve Debeurme, Julie Myre Bisaillon (Université de Sherbrooke) ; Erick Falardeau (Université de Laval) ; Isabelle Carignan (Téluq), François Vincent (Université du Québec en Outaouais), Marie-Christine Beaudry et Marie-Hélène Forget (Université du Québec à Montréal).