Mettre le patrimoine au coeur de nos priorités

Vue partielle du domaine de Sillery
Photo: Pierre Lahoud Vue partielle du domaine de Sillery

Au moment où certains s’interrogent sur le mot patrimoine et préfèrent l’approche anglo-saxonne en parlant d’héritage, il nous semble plus important d’essayer de comprendre (et de déplorer) le peu d’engagement du monde politique en cette matière. Si nous admettons que le patrimoine a un impact touristique (le tourisme culturel étant celui qui a le plus de retombées économiques), la pensée commune assimile trop souvent la question patrimoniale à un refus du progrès, à des résistances au développement ou à des préoccupations dépassées.

Ainsi, on parle négativement de mettre au musée (donc au placard) des enjeux, de vouloir mettre sous verre des territoires ou de figer la société dans un passé révolu. Cette absence de reconnaissance de l’importance et de la nécessité du patrimoine nous conduit à laisser à des promoteurs le soin d’aménager des lieux patrimoniaux nationaux (voir les grands domaines de Sillery), à fermer des institutions culturelles comme la Maison Chevalier ou le Musée de la Place-Royale, à ne pas reconnaître le sous-financement du réseau muséal malgré l’avis et les recommandations d’un groupe-conseil…

La culture est un processus de transmission ; encore faut-il reconnaître, avec humilité, l’importance du savoir que nos prédécesseurs nous ont laissé. Le patrimoine prend son sens dans l’évolution historique d’une société. Sans patrimoine et sans histoire, nous ne pouvons pas comprendre les débats actuels sur l’exception culturelle, sur la langue parlée et écrite ; nous ne pouvons fonder nos politiques en matière d’aménagement et d’environnement ou encore certains programmes de recherche et de développement des connaissances… Le monde ne naît pas d’une génération spontanée. Le patrimoine nous permet de constater que nous ne sommes pas seuls, qu’il n’y a pas qu’un engagement individuel, mais que nous nous inscrivons dans une démarche collective.

Un réel engagement collectif

 

L’UNESCO nous invite depuis longtemps à élargir et à enrichir notre concept de patrimoine. Engageons-nous dans cette voie et investissons collectivement dans la recherche, la conservation et la mise en valeur du patrimoine. Que comptons-nous faire pour le patrimoine scientifique alors que le développement de la culture scientifique constitue un enjeu majeur pour notre société ? Du patrimoine des communautés culturelles au moment même où nous parlons de diversité ? Du patrimoine du spectacle vivant alors que la création constitue un élément majeur de notre développement et de notre rayonnement ? Avons-nous un portrait de l’ensemble des collections conservées par les musées et comment compléter les lacunes de notre mémoire collective ? Plus spécifiquement, pourquoi les recommandations du rapport Corbo ont-elles été mises de côté ? Pourquoi ne mettons-nous pas en valeur les sites patrimoniaux nationaux et laissons-nous les promoteurs dicter leur développement ? Il y a tant à faire.

Le sens des mots peut s’enrichir avec l’histoire et le contexte. Le mot patrimoine a un sens particulier pour le banquier ou un scientifique dans le cas du patrimoine génétique. Mais, plus important, les enjeux actuels méritent un réel engagement collectif.

Le patrimoine n’est pas le passé, mais notre relation contemporaine avec l’histoire dans sa complexité, avec l’environnement, avec les échanges au sein de notre société, mais aussi avec les autres. Nous devons nous doter d’une politique globale et d’un plan d’action en cette matière « Il n’y a pas de plus urgente ni de plus belle mission que de transmettre l’héritage culturel qui peut seul constituer pour l’avenir l’unité de notre pays, en même temps que la liberté de ceux qui y vivront. Je ne crains pas le choc des cultures, mais le choc des incultures. » (François-Xavier Bellamy)

Quand un gouvernement osera-t-il mettre le patrimoine, c’est-à-dire notre inscription dans l’évolution de la société, au coeur de ses priorités ?

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