Le pouvoir politique ne devrait jamais être donné à la légère

La confiance est le liant qui permet aux humains (et aux animaux) de vivre ensemble en harmonie et de se sentir en sécurité auprès des autres. C’est un ingrédient indispensable pour un sain développement individuel autant que collectif. Sans lui, la vie est risquée et toxique.
Quand on assume une charge de dirigeant politique, la confiance des gens envers nous est un atout énorme pour agir plus facilement. Mais attention ! Cette facilité peut être exploitée abusivement et malhonnêtement. On doit toujours avoir à l’esprit que l’Histoire est pleine d’exemples où la confiance a été obtenue frauduleusement, mensongèrement, au détriment de celles et ceux qui l’avaient accordée plus ou moins aveuglément. L’Histoire est aussi truffée de cas de trahisons de confiance octroyée naïvement, sans discernement.
La confiance soutient la popularité, l’estime et l’adulation, et vice-versa. Mais cette confiance est très souvent le produit d’une immaturité, d’une imprudence et d’une paresse intellectuelle par son refus, passablement dogmatique, de rechercher la réalité et la vérité.
Le pouvoir politique ne devrait jamais être donné à la légère, sous la foi d’une confiance naïve et infantile. Il devrait revenir à celles et à ceux dont l’authenticité a été testée et qui ne fait pas le moins de doute possible. La confiance envers les dirigeants devrait s’appuyer tant sur l’appréciation des capacités réelles que sur les idées en mesure de construire un véritable bien-être fondé sur des bases nobles et éthiques.
On entend souvent des gens dire que le peuple ne se trompe jamais et qu’il a toujours raison. Quelle connerie monumentale ! Il n’est pas nécessaire d’avoir vécu beaucoup pour savoir pourtant que les individus comme les groupes se trompent souvent et qu’ils sont loin de toujours faire de bons choix. Certes, en démocratie, on doit respecter et vivre avec les choix électoraux, du moins un certain temps. Cependant, il est malsain de fermer la porte aux questionnements sur la justesse des choix effectués autant que sur la valeur des systèmes électoraux, surtout quand on sait que certains, dont le nôtre, produisent des distorsions carrément antidémocratiques. La volonté populaire, même lorsqu’elle s’exprime avec de grandes majorités, est faillible et parfois même totalement inacceptable à bien des égards.
Obscurantisme
La confiance accordée et obtenue n’est donc pas en soi un signe positif, pas plus que la grande popularité qui la soutient. L’ascension et le maintien au pouvoir ne sont pas et ne doivent pas être des objectifs qui commandent une confiance aveugle et absolue. Malheureusement, ce principe est loin d’être toujours mis en application. L’obscurantisme idéologique et la partisanerie puérile corrompent trop souvent la vie politique et les choix qui la gouvernent.
Dans l’univers politique, la confiance devrait toujours être sous surveillance, et cela, avant autant qu’après les choix. Certes, la perfection humaine n’existe pas et les personnalités ne sont jamais unidimensionnelles. Tous, nous avons des zones obscures qui cohabitent avec des aspects lumineux et il n’est pas facile pour les autres d’y voir clair et de les distinguer adéquatement quand vient le temps d’évaluer la confiance à accorder. Évaluer les avantages et les inconvénients des aspirants dirigeants et des leaders en place et mesurer leur niveau de fiabilité restent en fait une tâche très difficile où les erreurs de jugement sont monnaie courante.
Saine méfiance
Voilà pourquoi une saine méfiance est de mise en ce qui concerne les personnes aux commandes des appareils politiques publics ou privés. Cette méfiance citoyenne doit reposer le plus possible sur une compétence civique et une intelligence émotionnelle qui comprend une bonne capacité de discernement afin de bien évaluer le mérite des efforts accomplis et des résultats obtenus par les dirigeants et les représentants.
À cet égard, il faut reconnaître que la perte de confiance arrive aussi pour de mauvaises raisons, à cause d’attentes irréalistes et d’une méconnaissance des réalités complexes et souvent paradoxales. L’inconscience et l’ignorance citoyennes existent, même s’il n’est pas « politiquement correct » de les montrer du doigt, et elles altèrent évidemment le jugement de valeur que les gens portent sur les membres de la classe politique ainsi que leur engagement réel à l’égard de leurs responsabilités civiques.
Disons-le franchement, le sens du devoir de solidarité qui est au coeur d’une saine démocratie fait cruellement défaut dans les sociétés modernes où les individus sont de plus en plus atomisés. La démocratie n’est pas compatible avec l’individualisme et l’égoïsme érigé en système ! On ne peut pas rester sur son quant-à-soi et se laver les mains devant le déroulement de la vie publique et de la réalité des autres. De même qu’on ne peut pas faire l’économie des efforts nécessaires pour savoir et pour comprendre le monde qui nous entoure et être en mesure d’apprécier la valeur des gens qui exercent le pouvoir pour et au nom de toutes et tous.
En fait, être un véritable citoyen, être membre de la cité, agir comme tel, participer à la vie publique, même de façon minime, discuter, délibérer puis choisir de façon avisée et constructive n’est pas une disposition innée. Cela doit s’apprendre. La compétence civique est l’oxygène de la démocratie. « Être informé, c’est être libre », disait l’ancien journaliste et chef politique René Lévesque.
La confiance accordée et maintenue envers les élus politiques doit donc reposer sur une bonne connaissance de ces derniers et non sur des choix précipités irréfléchis, fondés sur l’ignorance et l’influence de coups d’État émotionnels qui déforment la réalité et qui remplacent celle-ci par des perceptions exagérées, sinon carrément erronées, ainsi que par des fantasmes pouvant être passablement dangereux. La démocratie exige de la rigueur, et la confiance accordée doit venir de celle-ci.