L’exploitation de la mine a entraîné des problèmes sociaux importants à Malartic

La mine à ciel ouvert d’Osisko à Malartic, en Abitibi-Témiscamingue, a été ouverte en 2011.
Photo: Gérald Dallaire Le Devoir La mine à ciel ouvert d’Osisko à Malartic, en Abitibi-Témiscamingue, a été ouverte en 2011.

Le contexte dans lequel évolue et se déploie l’industrie minière contemporaine est tributaire du système capitaliste, fortement marqué par l’exploitation des matières premières, la dépendance à l’exportation et aux marchés extérieurs et la surspécialisation. La régulation gouvernementale de la production permet d’assurer le maintien dans le temps de ce système de production, aussi appelé régime de ressources (staples), tel que l’ont décrit certains auteurs pour le cas canadien et mondial.

Or, il est envisageable de considérer ce régime et l’industrie minière comme étant désormais marqués par la logique et les principes du néolibéralisme, un ensemble d’idéologies, d’engagements, de représentations et de pratiques organisées dans un système d’alliances de classes situées à différentes échelles géographiques. Les tenants du néolibéralisme font la promotion de la théorie de l’autorégulation des marchés, des politiques de dérégulation, de la privatisation et de « l’adaptabilité » accrue des citoyens et de la force de travail sur quoi repose la responsabilité du succès du développement, de l’économie et de leur bien-être. Ces principes sous-tendent une « marchandisation de tout » qui s’appuie sur une homogénéisation des types de rapports sociaux et de relations entre les humains et l’environnement.

L’exploitation d’une mine d’aussi grande envergure en milieu habité entraîne plusieurs changements pour la communauté malarticoise et les individus qui la composent. Sa mise en oeuvre implique notamment la relocalisation de la plus grande partie du quartier sud de la ville, sise sur le gisement. Des préoccupations quant à la santé physiologique, psychologique et sociale sont aussi révélées. Devant cette situation, plusieurs questions se posent. Quelle est l’étendue des changements subis par la population de Malartic depuis l’arrivée d’Osisko et quels sont leurs effets sociaux ? Quelles sont les principales limites des mesures publiques pour prendre en compte ces impacts ? En quoi cette situation s’inscrit-elle dans une logique néolibérale ?

La vie des Malarticois est affectée dès l’arrivée d’Osisko à Malartic : lorsque la compagnie entreprend ses travaux d’exploration, en 2005, elle installe des foreuses à diamant « aux abords et dans la ville de Malartic ». Osisko présente officiellement son projet à la population en 2006, lors d’une rencontre publique organisée à l’église. Elle énonce alors son besoin de relocaliser une partie du quartier sud pour pouvoir mettre en chantier sa mine à ciel ouvert. Vu l’ampleur du projet, plusieurs citoyens doutent qu’il se réalise, ou s’inquiètent pour leur qualité de vie s’il se concrétisait. Tout en craignant ses impacts environnementaux importants, des leaders sociaux, économiques et politiques de Malartic voient avec optimisme les activités de développement minier d’Osisko, qui permettraient, selon eux, de dynamiser l’économie chancelante de la municipalité en créant des emplois qui lui manquent.

Globalement, les participants s’entendent sur le fait que la multitude de changements survenus à Malartic depuis l’arrivée de la minière a laissé des traces indélébiles dans la communauté en raison des tensions qu’elle a suscitées. Comme le dit un employé d’Osisko à propos de l’arrivée de la minière : « Ç’a été comme un déchirement un peu. Il y a eu, il va y avoir eu avant pis après. » Au moment des derniers entretiens, près du quart des participants ont mentionné encore « sentir » à Malartic que des résidents sont « pour », et d’autres « contre » la minière. Ainsi, en 2012 et 2013, une campagne de soutien à la minière s’est manifestée avec force, par le blocage de la route 117 avec des véhicules lourds et la distribution d’affiches et d’un symbolique « carré or » en signe d’appui. La cohabitation entre les deux « clans » représenterait toujours un défi. Néanmoins, un autre quart des participants notent une amélioration du climat social depuis 2013, la communauté étant à leur avis moins polarisée et en train de resserrer ses liens ; les blessures se font moins vives avec le temps et les personnes les plus critiques ont quitté la ville, ce qui contribue à homogénéiser les opinions dans la population.

Bref, force est de constater que des changements importants ont accompagné l’arrivée de la mine Canadian Malartic et qu’ils ont eu des effets individuels et sociaux variés à différentes étapes du projet minier. Ces changements ont été balisés par la mise en vigueur de normes gouvernementales, à différentes échelles, qui, visiblement, n’ont pas été suffisantes pour contrer les impacts sociaux négatifs subis à Malartic. Dans une perspective d’écologie politique, il est pertinent d’examiner davantage en quoi la logique de la gouvernance environnementale actuelle au Québec la rend ou non apte à prendre en compte la communauté et ses besoins lors de l’implantation d’une minière.

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Des Idées en revues

Chaque mardi, Le Devoir offre un espace aux artisans d’un périodique. Cette semaine, nous vous proposons une version abrégée d’un texte paru dans la revue Recherches sociographiques, 2017, volume LVIII, no 2.



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