Le Québec va rebondir

Tout se passe comme si René Lévesque avait emporté avec lui la ferveur qui a animé le Québec de son époque, a dit l'ex-premier ministre Lucien Bouchard lors d'une allocution.
Photo: Louise Lemieux Le Devoir Tout se passe comme si René Lévesque avait emporté avec lui la ferveur qui a animé le Québec de son époque, a dit l'ex-premier ministre Lucien Bouchard lors d'une allocution.

Allocution prononcée à l’occasion de la commémoration du 30e anniversaire du décès de René Lévesque, organisée par la Fondation René-Lévesque.

La première pensée qui nous vient à l’esprit, quand on songe à René Lévesque — comme ce soir, par exemple —, c’est qu’il nous manque. Il nous manque par sa passion, sa sincérité, son désintéressement, son courage, l’ampleur de ce qu’il a rêvé pour nous et l’affection qu’il suscitait auprès des Québécois.

Comment ne pas se remémorer le démocrate qu’il a été, si respectueux de ses concitoyens et de nos institutions ? Personne ne pourra non plus oublier son oeuvre, indissociable du combat qu’il a livré pour la survie et la qualité du français. Plus que tout, il a inculqué aux Québécois la conviction qu’ils étaient maîtres de leur avenir.

Sans doute les historiens continueront-ils à se pencher sur le destin unique de cet homme qui vouait aux siens un amour inquiet. Mais, dans l’immédiat, la seule évocation de cet éveilleur de peuple rappelle à quel point le Québec contemporain a besoin d’un nouvel élan.

Car c’est d’un héritage comme le sien que devra s’inspirer le renouveau attendu.

René Lévesque savait mieux que quiconque que la politique se fait avec les idées et les personnes de son temps.

 

À cet égard, beaucoup de choses doivent être repensées. Les Québécois ne sont plus ceux qui l’ont porté au pouvoir. On ne les rejoint pas de la même façon. Les codes, même la portée des mots, ont changé. Les journaux ne sont plus les informateurs et les influenceurs d’autrefois. La télévision, si importante dans la diffusion du message de ce maître communicateur, a été, elle aussi, largement remplacée par les médias sociaux.

L’organisation politique, telle que l’ont connue les acteurs de ma génération, est désuète. Les assemblées électorales sont à peu près reléguées aux oubliettes. Il serait inconcevable, par les temps qui courent, de penser réunir, dans une salle, à quelques jours d’avis, 1000 personnes et même davantage, comme on pouvait le faire autrefois. Quant aux sondages, ils se font le plus souvent par Internet, avec des résultats plus ou moins approximatifs.

Même les enjeux ont changé. Le Parti québécois a mis le référendum en veilleuse et se voit contraint de redéfinir son projet. En plus de devoir affronter des adversaires qui leur sont moins familiers, les autres partis doivent eux-mêmes repenser leur pertinence.

 

Surtout, force est de constater la disparition de ce catalyseur essentiel qu’est l’engagement collectif. Tout se passe comme si René Lévesque avait emporté avec lui la ferveur qui a animé le Québec de son époque.

Bien sûr, le Québec va rebondir. Pas seulement parce qu’il en est capable, mais parce qu’il se le doit à lui-même et à ceux et celles qui l’ont construit.

C’est notre société tout entière et toutes les formations politiques qui se trouvent interpellées. L’histoire du Québec n’a pas cessé d’être une marche en avant. Un peuple de huit millions de personnes, doté d’un État de droit et d’assises socio-économiques modernes, trouvera toujours les voies de son avenir, aussi bien que l’énergie pour y progresser et les leaders pour l’inspirer.

On peut compter sur la fécondité d’une terre qui a déjà donné les Louis-Joseph Papineau, Henri Bourassa, Honoré Mercier, Jacques Parizeau, René Lévesque.

Les générations qui viennent ne feront pas défaut aux espoirs qu’ils portent. Le talent, la créativité et l’audace de la jeunesse québécoise préparent une relève qui, dans tous les domaines, voudra, d’une façon ou d’une autre, aller plus loin.

D’où qu’il soit, à tout le moins de la place inexpugnable qu’il occupe dans la mémoire collective, René Lévesque observera de près la suite des choses…

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