Objectif emploi: s’acharner contre le bon sens

Les présidents des quatre grandes centrales ont publié un texte dans lequel ils remettent en question la pertinence de mettre en place le programme Objectif emploi. Celui-ci s’adresse aux premiers demandeurs d’aide sociale et vise à améliorer leurs compétences pour une future entrée sur le marché du travail. Leur argument est que l’approche « punitive » d’un tel programme n’a jamais démontré son efficacité là où elle fut expérimentée. Je « m’acharnerais », semble-t-il, à nier une évidence en allant jusqu’à renier des écrits antérieurs. Les choses ne sont évidemment pas si simples.
Objectif emploi est un programme d’insertion sociale axé sur le suivi personnalisé et la participation à des mesures d’intégration sociale (formation, recherche d’emploi, développement d’habiletés sociales). Sa durée prescrite est d’un an. La plupart de ces mesures sont déjà offertes aujourd’hui et elles donnent de très bons résultats aux participants qui les poursuivent jusqu’à la fin. Cependant, la grande majorité des assistés sociaux n’y participent pas et plusieurs abandonnent en chemin. Dans le but d’augmenter la participation des premiers demandeurs, et non pas de punir qui que ce soit, nous proposons d’augmenter l’aide de dernier recours pour les participants à un niveau jamais atteint jusqu’ici. Nous prévoyons aussi, à des fins dissuasives, des diminutions progressives et limitées s’ils cessent sans raison valable leur participation.
Rappelons tout d’abord que de telles diminutions dans le chèque de base existent depuis toujours pour d’autres circonstances. Elles touchent aujourd’hui des milliers de prestataires et elles ont une durée indéterminée. Dans le cas d’Objectif emploi cependant, elles seront appliquées de façon graduelle, très limitées dans le temps et, surtout, elles seront facilement révocables. Si le coeur d’Objectif emploi reposait, comme le prétendent les auteurs, sur des « punitions », alors celles-ci devraient nécessairement être plus lourdes, durables et irrévocables. De telles façons de faire ont été tentées ailleurs et nous ne les préconisons pas.
Notre approche n’est pas punitive
Si notre approche était punitive et coercitive, nous n’insisterions pas autant pour que la rencontre initiale d’évaluation des nouveaux prestataires ait lieu dans les meilleurs délais après avoir reconnu leur admissibilité. Nous n’axerions pas cette rencontre sur l’évaluation de la situation de cette personne et sur l’importance qu’elle en vienne à choisir un parcours réaliste et bien adapté à sa situation. Les chefs syndicaux sont-ils au courant qu’au Québec, il est impossible de convoquer pour une simple rencontre d’évaluation un nouveau demandeur d’aide sociale ? Que proposent-ils pour mettre fin à cette singularité québécoise ?
Si l’approche d’Objectif emploi était punitive, elle obligerait les participants à atteindre des résultats précis dans des délais stricts. Nous nous attendons plutôt à une participation raisonnable au parcours choisi, à la hauteur des capacités de chacun, sans plus. Une approche punitive ne prioriserait pas non la formation sur la prise d’emploi à court terme. Elle n’accorderait pas de généreux suppléments aux participants et ne permettrait pas au bénéficiaire qui en fait la demande de prolonger son admissibilité afin qu’il poursuive et termine ses études. Elle n’augmenterait pas, enfin, les budgets des organismes partenaires qui prennent en charge cette clientèle.
Nos dirigeants syndicaux commettent l’erreur de confondre Objectif emploi et des expériences de travail forcé menées dans d’autres pays au cours des 40 dernières années, dont certaines ne se sont pas avérées concluantes en matière de diminution permanente de la pauvreté. Je n’ai jamais adhéré au workfare pour des raisons de principe et d’efficacité même si bien des pays, et parmi eux des pays scandinaves bien en vue au sein des organisations syndicales québécoises, lui font une place de choix. Je préfère de loin le programme Objectif emploi qui, lui, est entièrement voué au développement des compétences dans un contexte où le Québec n’a jamais eu autant de perspectives à offrir à sa jeunesse. Dire le contraire, c’est s’acharner à nier que le Québec change.