Protocole de Montréal: 30 ans plus tard, les leçons à tirer

Des manifestants protestent à Washington contre les politiques environnementales du gouvernement Trump.
Voilà trente ans, devant la progression d’un trou découvert dans la couche d’ozone, les nations du monde entier sont passées aux actes afin d’adopter le Protocole de Montréal. Généralement considéré comme l’accord international le plus efficace de l’histoire en matière d’environnement, le Protocole a permis l’élimination graduelle de 98 % des substances appauvrissant la couche d’ozone (SACO), tant et si bien que le « trou » résiduel qui surplombe l’Antarctique devrait se refermer d’ici quelques dizaines d’années.
À l’aube du 30e anniversaire de la signature du Protocole de Montréal (le 16 septembre), il convient de se demander pourquoi cet accord a fonctionné et quelles leçons s’en dégagent quant aux mesures à prendre pour contrer les changements climatiques.
Les États signataires du Protocole de Montréal n’ont pas accepté de s’engager du jour au lendemain : l’entente a été l’aboutissement d’un long processus. En 1985, on fixait des objectifs mondiaux dans la Convention de Vienne, qui par ailleurs favorisait la recherche et les échanges au sujet des grandes orientations à adopter. Deux ans plus tard, les États se donnaient des cibles exécutoires en signant le Protocole de Montréal. Depuis, l’entente est en constante évolution, imposant à ses signataires des obligations de plus en plus ambitieuses.
Alors que des critiques très en vue, comme James Hansen, ancien scientifique de la NASA, considèrent l’Accord de Paris sur le climat comme « un tissu de mots creux » en raison de sa démarche étapiste, le Protocole de Montréal nous rappelle qu’une simple main tendue peut conduire à un accord véritablement contraignant.
Soutenir les pays pauvres
De tous les pays en développement, seul le Mexique a ratifié le Protocole en 1987. Or, la non-participation de ces pays risquait fort de miner l’efficacité de l’entente. Les États ont donc créé un fonds dans le but de favoriser, par un soutien financier, l’adhésion des pays en développement. Au cours des deux dernières décennies, 147 des 196 parties au Protocole de Montréal ont reçu du financement de ce fonds, et tous les pays en développement signataires se sont acquittés de leurs obligations.
Bien que les républicains du Congrès américain et le Parti conservateur du Canada se soient farouchement opposés à ce qu’on « fasse la charité » aux pays en développement par des mécanismes tels que le Fonds vert pour le climat, le Protocole de Montréal nous rappelle que les transferts financiers sont essentiels à la mise en oeuvre d’accords sur l’environnement dans les pays démunis.
Rallier les entreprises
Aux États-Unis, de nombreux fabricants de chlorofluorocarbones (CFC) se sont d’abord opposés au Protocole de Montréal. Les entreprises soutenaient que les preuves scientifiques sur l’appauvrissement de la couche d’ozone étaient trop incertaines pour justifier l’intervention du législateur, ajoutant que les solutions de rechange aux CFC étaient limitées et coûteuses. Après l’adoption du Protocole, l’industrie a fait volte-face aux États-Unis. Redoutant que le gouvernement légifère et voulant se ménager un atout concurrentiel, des entreprises comme Dupont se sont ralliées au Protocole de Montréal et ont même fait pression auprès du gouvernement Bush pour qu’il ratifie l’accord.
Jusqu’à maintenant, les entreprises reposant sur les combustibles fossiles se montrent plus réfractaires au changement. Au lieu d’attendre qu’elles fassent les premiers pas, les États devraient prendre les devants en formant des coalitions de parties prenantes qui ont intérêt à agir avec fermeté contre les changements climatiques. Cela signifie augmenter les subventions dirigées vers les sources d’énergie renouvelables, établir une juste tarification du carbone et cesser de subventionner les combustibles fossiles. À court terme, il pourrait y avoir un prix politique à payer. Pour que de telles mesures voient le jour, des politiciens intègres et visionnaires devront donc tenir le gouvernail.
Le Protocole de Montréal démontre que la patience, la générosité et l’empathie peuvent triompher des grands défis environnementaux, pour peu qu’on trouve les bons mots et les bonnes images
Livrer un message cohérent et percutant
À la fin des années 1980, scientifiques et militants se sont faits les porte-étendards d’un message percutant sur l’appauvrissement de la couche d’ozone, qui a trouvé écho auprès du grand public et mené à la signature du Protocole de Montréal. Ce message comportait deux volets : la métaphore du « trou dans la couche d’ozone » et le risque de cancer de la peau qui en découlait.
Les preuves scientifiques sur les répercussions des changements climatiques sont légion. Pourtant, les études montrent que, pour éveiller les consciences, les mots et les images sont plus efficaces que les graphiques et les statistiques. Dès lors, peut-être pourrait-on s’en remettre davantage aux images et aux récits des personnes touchées par les changements climatiques. Si les avalanches de données les laissent de marbre, les climatosceptiques seront peut-être davantage interpellés par des récits faisant appel à leur empathie.
Soit, l’appauvrissement de la couche d’ozone ne constitue pas un problème aussi complexe que les changements climatiques. En effet, les combustibles fossiles pèsent beaucoup plus lourd dans l’économie mondiale que les CFC. Quoi qu’il en soit, le Protocole de Montréal démontre que la patience, la générosité et l’empathie peuvent triompher des grands défis environnementaux, pour peu qu’on trouve les bons mots et les bonnes images.
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