Le Canada doit rattraper son retard en financement de la recherche en santé

Aujourd’hui, les découvertes qui font la manchette des journaux sont souvent issues de la recherche fondamentale.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Aujourd’hui, les découvertes qui font la manchette des journaux sont souvent issues de la recherche fondamentale.

Le printemps dernier, la communauté de la recherche du Québec a accueilli avec enthousiasme la nouvelle Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation et la nouvelle Stratégie des sciences de la vie. D’ici 2021-2022, ce sont plus de 830 millions de dollars que le gouvernement du Québec injectera de plus pour stimuler la recherche et l’innovation, et la formation d’une relève en recherche. Les objectifs de cette stratégie sont ambitieux : faire du Québec, d’ici 2022, l’un des dix chefs de file mondiaux de l’OCDE en matière de recherche et d’innovation, et, à l’horizon 2030, l’une des sociétés les plus innovantes et créatives.

Le Québec représente une force vive de la recherche en santé au Canada, et compte plusieurs centres et instituts de recherche en santé, dont actuellement 17 sont soutenus par le Fonds de recherche du Québec–Santé (FRQS). Véritables générateurs de découvertes et d’innovations, ces centres et instituts de recherche ont accueilli en 2016-2017 plus de 3300 chercheurs et ont participé à la formation de plus 6400 étudiants diplômés et en études postdoctorales.

Ces nouveaux budgets ont donc permis aux trois fonds de recherche du Québec, dont le Fonds Santé (FRQS), d’augmenter dès cette année le nombre de bourses de formation et de bourses de carrière, ainsi que de bonifier les subventions versées aux centres et instituts de recherche. Ces octrois totaliseront plus de 6,925 millions de dollars pour l’année 2017-2018. Il est important de mentionner que ces investissements permettent à nos étudiants ainsi qu’à nos chercheurs d’être hautement compétitifs sur la scène nationale. Il permettra aussi à cette relève d’avoir une vision plus claire des possibilités de carrières en recherche. Ainsi, chaque dollar investi par le FRQS dans les centres et instituts sur une période de 12 ans leur permet de recueillir plus de 13 dollars en financement externe.

Investissements insuffisants

 

Ces nouveaux investissements représentent certes une bouffée d’air frais pour le milieu de la recherche au Québec, mais sont malheureusement insuffisants. Il est ainsi essentiel de rappeler que les financements provinciaux sont essentiellement dédiés aux infrastructures et aux bourses de formation ou de carrière. Les principales sources de financement des programmes de recherche des chercheurs québécois sont les fonds subventionnaires fédéraux, dont, pour le secteur de la santé, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Malheureusement, depuis une dizaine d’années, le financement des IRSC a stagné, alors que le nombre de demandes de bourses et de subventions ne cesse de croître, de même que les coûts de base pour la réalisation des projets de recherche.

Aujourd’hui, les découvertes qui font la manchette des journaux sont souvent issues de la recherche fondamentale. Pensons, par exemple, à la détection précoce du cancer du sein grâce à la génomique ; à la mobilisation du système immunitaire pour prévenir et soigner les maladies neurodégénératives ; au développement du système EOS d’imagerie médicale permettant la modélisation en 3D des structures osseuses du corps humain à partir de seulement deux images radiographies à faible dose pour l’aide au diagnostic et au choix de traitement orthopédique et chirurgical ; aux développements en nanorobotique pour le déploiement de bactéries, qui permet de livrer avec précision un médicament à des tumeurs ; aux approches de traitement du sida par les antiviraux ; à la caractérisation d’antigènes menant à des traitements innovateurs pour la leucémie ; à des percées immenses pour le diagnostic des maladies neurologiques faites grâce à l’imagerie cérébrale.

Bien que les retombées de la recherche fondamentale, ou, dit autrement, le retour sur l’investissement en recherche fondamentale, puisse parfois s’échelonner sur plusieurs dizaines d’années, ce n’est que par des efforts soutenus et constants que nous pourrons faire face aux grands défis de notre société que sont le développement durable, la lutte contre les changements climatiques, les changements démographiques et le vieillissement de la population, par exemple.

Le rapport de C. David Naylor (2017), issu du Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale, rappelle que le Canada ne fait plus partie des 30 pays qui investissent le plus dans la recherche. Ce rapport mentionne que les dépenses en recherche et développement au Canada ont décliné dans les cinq dernières années et ne représentent plus que 1,61 % du produit national brut, contre une moyenne de 2,38 % dans les pays de l’OCDE. Il insiste sur le fait que les trois fonds fédéraux reçoivent actuellement un financement nettement insuffisant, et recommande très fortement un réinvestissement du gouvernement fédéral en recherche en santé. Nous souhaitons que les recommandations de ce rapport soient immédiatement mises en oeuvre, afin qu’elles génèrent des changements bénéfiques, porteurs et durables pour la recherche d’aujourd’hui et de demain. Car ce n’est qu’avec des actions synergiques entre les gouvernements fédéral et provincial que nous pourrons accroître notre capacité de recherche, développer les talents en recherche et concevoir des innovations économiques et sociales au plus grand bénéfice de tous les Canadiens.

*Ont co-signé cette lettre:
Alain Gratton, Ph.D., Directeur scientifique exécutif, Centre de recherche de l'hôpital Douglas; Bonnie R. Swaine, Ph.D., Directrice scientifique (Recherche biomédicale), Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain; Bruce Mazer, M.D., Directeur exécutif et directeur scientifique en chef de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill ; Catherine Mercier, Ph.D., Directrice scientifique, Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale; Denis Claude Roy, M.D., Directeur scientifique, Centre de recherche de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont; Denis Richard, Ph.D., Directeur, Centre de recherche de l’Institut universitaire de pneumologie et de cardiologie de Québec; Eva Kehayia, Ph. D., Directrice scientifique (Recherche psychosociale), Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain; Gilles Lavigne, M.D., Directeur de la recherche, Centre de recherche de l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal; Gerald Batist, M.D., Directeur par intérim, Institut Lady Davis de recherches médicales de l'Hôpital général juif; Jacques L. Michaud, M.D., Directeur de la recherche, Centre de recherche du Centre hospitalier 
universitaire Sainte-Justine; Jean-Claude Tardif, M.D., Directeur, Centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal; Nicole Dubuc, Ph.D., Directrice scientifique, Centre de recherche sur le vieillissement; Serge Rivest, Ph.D., Directeur, Centre de recherche du CHU de Québec; Stéphane Guay, Ph.D., Directeur scientifique, Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal; Sylvie Belleville, Ph.D., Directrice de la recherche, Centre de recherche de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal; Vincent Poitout, D.V.M.,Ph.D., Directeur scientifique, Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal; Yves De Koninck, Ph.D., Directeur, Centre de recherche CERVO

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