Valoriser le DEC en sciences humaines

Il persiste encore le préjugé selon lequel les sciences humaines sont bien trop «molles» pour mener à quelque chose de concret, vers un avenir prometteur.
Photo: Michaël Monnier Le Devoir Il persiste encore le préjugé selon lequel les sciences humaines sont bien trop «molles» pour mener à quelque chose de concret, vers un avenir prometteur.

Pour ne s’en tenir qu’à l’actualité récente, on peut dire que l’histoire, la sociologie et la politique, par exemple, s’avèrent indispensables pour mieux comprendre les affrontements récents se produisant tantôt ici (immigration et réfugiés), tantôt aux États-Unis (monuments confédérés).

Et pourtant… dans la région de Montréal, moins d’étudiants sont tentés par des études en sciences humaines au collégial. Les inscriptions cet automne sont en baisse de 3,6 % et, depuis 2012, on compte près de 2000 demandes d’admission en moins. Le DEC préuniversitaire en sciences humaines demeure le programme regroupant le plus de cégépiens, mais moins d’élèves du secondaire s’y intéressent quand il s’agit d’entreprendre des études collégiales.

La situation démographique est certes responsable de la baisse du nombre d’étudiants dans les cégeps cet automne et ces dernières années également, les naissances ayant diminué à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Mais la natalité au Québec ne peut expliquer à elle seule le sort des sciences humaines : d’autres facteurs sont en jeu.

Et s’il était aussi question de la faible valorisation des sciences humaines et sociales auprès des élèves du secondaire ? Il est dans l’ère du temps de faire des études « utiles », qui sauront conduire les futurs étudiants vers des professions ou des domaines d’emploi où on peut déjà estimer les salaires. Il persiste encore le préjugé selon lequel les sciences humaines sont bien trop « molles » (par opposition aux sciences « dures ») pour mener à quelque chose de concret, vers un avenir prometteur. Ces dernières années, bien des magazines, journaux et travaux de recherche et d’enquête ont pourtant souligné que les bonnes perspectives d’emploi ne seraient pas offertes qu’aux diplômés des sciences et technologies, mais également aux diplômés universitaires en sciences humaines (relation d’aide, ressources humaines, administration, enseignement, etc.).

Un prérequis ?

Et pourtant… combien de jeunes de 16 et 17 ans se laissent convaincre de ne pas étudier en sciences humaines au cégep et de préférer un programme préuniversitaire leur offrant tous les préalables nécessaires pour étudier là où ils le désireront à l’université. Plusieurs vont pourtant opter pour le droit ou l’administration, sinon l’histoire ou la géographie, bref vers plusieurs programmes universitaires qui, sauf exception, ne requièrent aucun préalable du collégial. En vérité, rares sont les facultés exigeant un préalable pour accéder aux sciences humaines et sociales au premier cycle universitaire. Mais cette « souplesse » de la part des universités ne valorise en rien le DEC en sciences humaines, bien au contraire !

Et si le DEC en sciences humaines, sinon une partie de ses cours, était un prérequis pour étudier en sciences sociales à l’université ? Nos collègues professeurs d’université observent bien souvent, en première session, que, parmi leurs étudiants les mieux préparés, tant sur le plan méthodologique que sur celui des savoirs, un bon nombre sont diplômés en sciences humaines au collégial. Leur formation abonde de connaissances sur la société, la culture, l’économie, l’histoire, sinon en psychologie et en anthropologie, et elle se doit d’être mise en valeur.

Aucun niveau d’enseignement n’échappe ici à la critique : les cégeps eux-mêmes sont en partie responsables du déclin des sciences humaines. La concurrence étant forte entre les collèges, des programmes plus spécialisés, aux contenus originaux (Histoire et civilisation, Sciences, lettres et arts, etc.) se sont développés et ont pu, en partie, séduire des étudiants qui seraient naturellement allés vers les sciences humaines. Tel un marché de l’éducation, la segmentation s’est opérée. Dans certains cégeps, le programme de sciences humaines s’est parfois lui-même redéfini sous forme de profils d’études identifiant des professions de choix (droit, psychologie, éducation), ce qui est certes porteur de sens pour certains, indécis ou inquiets quant à leur avenir. Or l’avenir des sciences humaines au collégial ne réside peut-être pas dans la spécialisation à outrance mais dans leur capacité à s’unir pour éclairer, de tous leurs savoirs, un monde riche en complexités, où sont intimement reliés les questions et enjeux auxquels les jeunes seront confrontés. Le DEC en sciences humaines constitue, en soi, un « préalable » à part entière. Des parents aux enseignants, sinon des médias aux élus de tous les horizons, il nous appartient de valoriser une formation collégiale en sciences humaines.

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