Ce que révèle l’affaire Langevin-Macdonald

Un groupe d’enfants naskapis dans une salle de classe. Le responsable des Affaires indiennes lors de l’établissement du système de pensionnats pour autochtones était non pas Louis-Hector Langevin, mais le premier ministre de l’époque, John A. Macdonald.
Photo: Bibliothèque et Archives Canada Un groupe d’enfants naskapis dans une salle de classe. Le responsable des Affaires indiennes lors de l’établissement du système de pensionnats pour autochtones était non pas Louis-Hector Langevin, mais le premier ministre de l’époque, John A. Macdonald.

Je ne suis pas un admirateur de Louis-Hector Langevin et je ne crois pas que la Confédération canadienne a été une bonne affaire pour le Canada français, tout au contraire. Néanmoins, lorsque j’ai commencé à voir des manifestations organisées par les chefs des Premières Nations demandant et obtenant qu’on efface le nom de Langevin partout où on le trouvait, sur un pont et une école de Calgary et sur l’édifice du bureau du premier ministre à Ottawa, je me suis demandé quel grand crime ce dernier avait bien pu commettre.

On nous disait et on nous dit encore qu’il fut « un responsable important » et « l’architecte » du système de pensionnats pour autochtones. Après vérification, j’ai découvert que le responsable des Affaires indiennes lors de l’établissement de ce système était non pas Langevin, mais bien le premier ministre de l’époque, John A. Macdonald, et que Langevin n’avait été responsable de ces questions que pendant un an et demi, sept ans avant l’adoption de l’Indian Act par les libéraux d’Alexander Mackenzie en 1876 et 14 ans avant la création des pensionnats autochtones fédéraux par les conservateurs en 1883. J’ai alors demandé aux chefs autochtones pourquoi ils ne défilaient pas devant les statues de John A. Macdonald pour demander qu’on efface son nom de notre mémoire collective. Pas de réponse.

J’ai cherché d’où venaient les accusations contre Langevin, qui n’a été qu’un des 134 députés conservateurs à avoir voté pour la création du système des pensionnats autochtones. Je me suis rendu compte que tout venait de l’extrait suivant d’un discours qu’il a prononcé en Chambre à cette occasion. Cet extrait se lit comme suit : « Si vous voulez éduquer ces enfants, vous devez les séparer de leurs parents durant le temps de leur formation. Si vous les laissez dans leurs familles, ils pourront apprendre à lire et à écrire, mais ils vont rester sauvages, alors que si vous les séparez comme proposé, ils vont acquérir les manières et les penchants — espérons seulement les bons penchants — des personnes civilisées. »

Je me suis demandé si Langevin avait alors été plus virulent que ses collègues anglophones. Je suis tombé sur cet extrait du discours de Macdonald prononcé à la même occasion : « Quand les écoles sont dans les réserves, l’enfant vit avec ses parents qui sont sauvages ; il est entouré de sauvages, et, même s’il peut apprendre à lire et à écrire, ses manières, sa formation et son mode de pensée sont indiens. Il est simplement un sauvage qui sait lire et écrire. On a fortement fait pression sur moi, en ma qualité de responsable des Affaires indiennes, pour me convaincre que les enfants indiens devraient être éloignés dans la mesure du possible de l’influence parentale et que la seule façon de le faire serait de les mettre dans des écoles centrales de formation industrielle où ils acquerront les manières et les modes de pensée des hommes blancs. »

Exécution morale

 

Très objectivement, je ne vois pas en quoi les paroles de Langevin seraient plus outrageantes que celles de Macdonald. La décision du premier ministre Trudeau de ne pas faire subir à John A. Macdonald le sort qu’il a lui-même infligé à Louis-Hector Langevin en biffant son nom de notre mémoire collective démontre à tous qu’on peut faire subir à un Père de la Confédération francophone n’ayant aucune responsabilité ministérielle dans l’adoption de l’Indian Act et dans la mise sur pied des pensionnats autochtones fédéraux une « exécution morale » qu’on refuse d’infliger à un Père de la Confédération anglophone directement responsable comme premier ministre et comme surintendant des Affaires indiennes de la création des pensionnats autochtones fédéraux.

Je tire de cette affaire la conclusion qu’après 150 ans de Confédération, les francophones ne sont toujours pas traités de façon juste et équitable au Canada et, aussi, que les politiciens fédéralistes francophones sont incapables de défendre l’un des leurs quand les anglophones les attaquent. Au fond, tous comprennent que nos politiciens fédéralistes n’ont aucune fierté d’eux-mêmes et qu’ils savent qu’ils sont ce qu’ils sont pour des raisons d’intérêt purement personnel, quelles qu’en soient les conséquences pour les francophones du Canada et leur réputation. Tout cela est bien triste.

À voir en vidéo