Le Québec doit s’engager plus avant dans la diplomatie scientifique

«Dans une perspective à plus long terme, il faut stimuler l’intérêt des étudiants étrangers à venir poursuivre leurs études au Québec», écrit Rémi Quirion.
Photo: Eliza Snow Getty Images «Dans une perspective à plus long terme, il faut stimuler l’intérêt des étudiants étrangers à venir poursuivre leurs études au Québec», écrit Rémi Quirion.

Au cours des dernières semaines, le gouvernement du Québec a dévoilé sa Stratégie de la recherche et de l’innovation, ainsi que sa Stratégie des sciences de la vie et il a annoncé la création d’une supergrappe en intelligence artificielle. Ces initiatives viennent s’ajouter à un ensemble de mesures totalisant 5,4 milliards de dollars pour soutenir la recherche et l’innovation au cours des cinq prochaines années. Ces investissements contribueront certes à la nouvelle Politique internationale du Québec, dans laquelle la recherche québécoise prend une place particulière.

Les résultats de la recherche et l’expertise des chercheurs doivent cependant être davantage mis à contribution dans la prise de décision, que ce soit dans le cadre de l’élaboration de politiques ou dans nos relations internationales. Pour ce faire, il est fondamental que les élus, hauts fonctionnaires, négociateurs et diplomates aient recours à la science et que l’accès à l’information scientifique et aux chercheurs soit facilité.

À cet égard, le concept de diplomatie scientifique s’avère pertinent. Plusieurs pays en font déjà la promotion, pensons à la France, au Royaume-Uni et à la Nouvelle-Zélande, aux États-Unis sous la présidence d’Obama, et à l’Union européenne.

Qu’est-ce que la diplomatie scientifique ?

Selon la Société royale britannique et l’American Association for the Advancement of Science, ce concept peut se décliner en trois volets.

La diplomatie pour la science Cela se traduit par les efforts des gouvernements à promouvoir les coopérations scientifiques internationales en développant des ententes de partenariat, en soutenant de façon concertée de coûteuses infrastructures de recherche ou en mettant en commun des ressources financières, matérielles et humaines. Pensons à la participation du Québec à Future Earth, une plateforme internationale de recherche sur les changements climatiques dont la direction est basée à Montréal, ainsi qu’à la création de l’Institut France-Québec pour la coopération scientifique dans le domaine maritime, dont le siège québécois est situé à Rimouski.

Récemment, dans le cadre de la mission du premier ministre du Québec en Israël et en Cisjordanie, j’ai signé au nom des Fonds de recherche du Québec une entente avec l’Académie palestinienne des sciences et des technologies pour accueillir au Québec des chercheurs de Cisjordanie, de Jérusalem et de Gaza pour réaliser des missions de recherche. Bien que ce ne soit pas nécessairement le but au départ, ces collaborations scientifiques peuvent être bénéfiques à la diplomatie québécoise.

Dans une perspective à plus long terme, il faut stimuler l’intérêt des étudiants étrangers à venir poursuivre leurs études au Québec. Certains de ces étudiants occuperont dans le futur des postes de leaders dans leur pays, ce qui pourrait faciliter les liens avec le Québec.

La science dans la diplomatie Il est essentiel que les décideurs politiques puissent compter sur une expertise scientifique pour pouvoir prendre les meilleures décisions possible sur d’importants enjeux de société. Nous devrions mettre des mécanismes en place pour nous assurer que la science est prise en considération dans toutes les initiatives internationales dans lesquelles le Québec est impliqué. À l’inverse, il faut sensibiliser les chercheurs à l’importance de diffuser leurs résultats de recherche, et de mieux les communiquer auprès du milieu politique. Sur ce point, j’ai organisé en mars dernier, en collaboration avec l’International Network for Government Science Advice, un atelier de formation sur le conseil scientifique aux gouvernements pour l’Afrique francophone et le Maghreb, à Dakar (Sénégal).

La science pour la diplomatie Les relations entre États peuvent parfois être difficiles ou tendues. Les initiatives scientifiques internationales peuvent faciliter les rapprochements entre États, en raison des valeurs de rationalité, de transparence et d’universalité de la science qui peuvent servir la diplomatie. Pensons à des projets internationaux d’envergure telles l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) — qui a été l’une des premières organisations européennes mises en place après la Seconde Guerre mondiale — et la Station spatiale internationale, ou encore au SESAME (Synchrotron-light for Experimental Science and Applications in the Middle East), qui réunit notamment des scientifiques égyptiens, iraniens, israéliens, jordaniens et palestiniens.

Dans un contexte différent, les chercheurs du Québec et du Canada ont joué un rôle important dans la lutte contre les épidémies du SRAS et de l’Ebola. Ces collaborations permettent de créer des ponts entre des sociétés de cultures différentes et contribuent à un climat de paix dans le monde. Bien qu’elle puisse servir la diplomatie, et que ce soit souhaitable, la science doit en même temps conserver une certaine distance par rapport au politique.

Quel avenir pour la diplomatie scientifique ?

En mai dernier, les Fonds de recherche du Québec ont tenu un colloque sur ce sujet afin de mieux faire connaître ce concept auprès du milieu politique et de la recherche québécois. Il a permis de réaliser à quel point le Québec est actif en diplomatie scientifique et de présenter les approches d’autres pays.

Il serait pertinent de documenter l’impact des différentes approches pour alimenter l’approche québécoise en la matière et accroître son influence internationale. La diplomatie scientifique véhicule des valeurs essentielles comme l’ouverture, le partage des connaissances, l’apprentissage fondé sur l’expérience et les données probantes. Elle est particulièrement nécessaire aujourd’hui pour résoudre les grands défis de notre société, lesquels sont complexes et ne peuvent être résolus qu’en maximisant nos collaborations avec d’autres pays, en mettant en commun nos savoirs, nos expertises et nos technologies. Le Québec a certainement les atouts nécessaires pour y exercer un leadership mondial.

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