À qui profite la motion sur l’islamophobie?

À qui profite la motion contre l’islamophobie votée à Ottawa ? Est-ce une concession accordée gratuitement aux agitateurs islamistes du Canada, sert-elle réellement à protéger la communauté musulmane ?
Regardons de près l’origine et la signification de ce nouveau venu dans la terminologie officielle du Parlement canadien. La définition et le sens étymologique de ce concept sont loin d’être clairs. L’islamophobie, c’est la peur imaginaire et injustifiée de l’islam ou des musulmans. En partant, associer le terme phobie au mot islam en fait une maladie, et donc la personne qui en souffre doit être soignée et jamais condamnée même si sa phobie implique plutôt la détestation, la haine et le rejet des musulmans.
L’ancienne utilisation du mot « islamophobe » concerne des problèmes de l’administration des colonies et le monde de la recherche en anthropologie dans les pays musulmans, et n’a rien à avoir avec la signification contemporaine de l’islamophobie. Cette dernière est apparue avec la montée du fondamentalisme religieux dans le monde politique au lendemain de l’avènement de la République islamique iranienne en 1979. Elle a été utilisée par les mollahs pour contrer la résistance à ce nouvel ordre théocratique. Elle a ensuite été réaffirmée en 2001 par le penseur islamiste Tariq Ramadan dans un article publié dans le journal Le Monde sous forme d’une tirade devenue célèbre : « Au nom d’une éthique commune, notre dignité sera fonction de notre capacité à savoir critiquer, au-delà de toute appartenance confessionnelle, tout État et toute organisation à l’aune des principes du droit sans considérer qu’il s’agit d’une manifestation d’antisémitisme ou d’islamophobie. » Ainsi, tel un refrain, le concept d’islamophobie a toujours accompagné la mouvance islamiste dans le sens qu’on peut dire que, sans elle, il n’y aurait pas de concept d’islamophobie.
Valeur symbolique
Si l’effet juridique ou pratique de la motion de condamnation de l’islamophobie sur la vie des musulmans ordinaires qui sont pourtant discriminés à bien des égards est nul, sa valeur symbolique est incontestablement une véritable victoire pour les islamistes, qui jubilent ; eux qui ne croient ni aux droits de l’homme, ni aux droits des femmes, ni aux valeurs démocratiques. Avoir peur de l’islam aujourd’hui ne relève pas de la phobie si par islam on entend l’idéologie officielle de l’Arabie saoudite, cette philosophie du salafisme qui sert de matrice à l’islamisme radical et violent responsable de la mort de centaines de milliers de personnes innocentes dans les mondes « arabe », « musulman », « berbère », « kurde » et autres. Ainsi, le 22 mars dernier, les Algériens ont souligné l’anniversaire contre l’oubli pour honorer la mémoire des dizaines de milliers de morts d’Algériens qui se sont battus contre l’islamisme politique et pour l’interdiction des partis politiques islamistes du jeu politique.
Je ne souhaite pas qu’aujourd’hui le nouveau texte de loi contre l’islamophobie donne le droit à l’existence politique légale aux islamistes ou qu’elle leur serve d’appui pour implanter des tribunaux islamistes au Canada. Pour rester simple, je dirai que la religion devrait rester strictement loin de la sphère politique, et l’islam ne peut faire l’exception. Certes, les musulmans du Québec et du Canada écopent pour des discours haineux et des actes perpétrés par les islamistes et les djihadistes d’ici et d’ailleurs. Ils subissent les contrecoups des atrocités commises et mises en scène par Daech et d’autres groupes terroristes. Ils sont aussi victimes de la diabolisation de l’image de l’islam par les médias et les autres idéologues extrémistes de droite, lesquelles ont toujours maintenu, à dessein, la confusion entre musulmans, islamistes, terrorisme et islam. En général, ceux qui manifestent du racisme contre les musulmans sont les mêmes qui se montrent racistes contre tous les groupes racisés au Canada ou en Occident. Par exemple, il n’y a pas longtemps, on appelait les musulmans en France « Arabes », puis « beurs », puis « gens des banlieues », et maintenant « musulmans ». Bien que les formes du racisme aient changé au fil du temps, son fond est resté le même. Au Canada comme au Québec, les musulmans sont tout simplement victimes du racisme. Néanmoins, les textes de loi canadiens et québécois suffisent largement à contrer ce phénomène, et les multiplier ne ferait qu’apporter plus de confusion dans l’esprit du public.
Enfin, étant moi-même de culture musulmane, je peux affirmer que la majorité des musulmans du Québec, les petites gens, qui chaque matin se lèvent et partent au travail, les femmes — même celles qui portent le hidjab —, les jeunes étudiants, les chauffeurs de taxi, les techniciens sous-traitants de Vidéotron et de Bell, les enseignants, les chômeurs, ceux-là ne se demandent pas si on les aime ou pas en tant que musulmans. D’ailleurs, la visibilité qu’on leur accorde leur nuit plus qu’elle ne les sert. Ils souhaitent simplement qu’on les regarde et qu’on les traite comme des citoyens à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.