L’ovation est-elle le signe d’un réel enchantement?

«[...] L'achalandage monstre à la Virée classique de l’OSM et l’enthousiasme débordant sont des indices éloquents que la musique classique n’est plus l’apanage d’une classe à part dans notre société», écrit Carol Patch-Neveu.
Photo: Koralie Deetjen-Woodward «[...] L'achalandage monstre à la Virée classique de l’OSM et l’enthousiasme débordant sont des indices éloquents que la musique classique n’est plus l’apanage d’une classe à part dans notre société», écrit Carol Patch-Neveu.

Je désire réagir à la longue lettre de M. Lucien Bouchard rédigée à titre de président du conseil d’administration de l’OSM en tant qu’abonnée de longue date de plusieurs institutions culturelles, dont l’OSM ( « La musique classique n’est l’apanage d’aucune classe », Le Devoir, 26 janvier 2017 ).

Je me dois de préciser que je n’ai pas lu la chronique de Jean-François Nadeau à laquelle il réagit. Par contre, je passe rarement à côté des chroniques de Christophe Huss. Certes, il m’est arrivé de le bouder puis de me rendre très vite compte que je ne peux me priver sans remords de ses propos. Je m’ennuie aussi des chroniques de Claude Gingras à La Presse.

Pourquoi faudrait-il que le rare critique en musique classique et art lyrique qu’il nous reste soit moins exigeant et mordant que ne le demeurent ses collègues qui décortiquent le théâtre, la littérature et le cinéma?

Faut-il souligner que Le Devoir est maintenant le seul quotidien au Québec qui continue à s’intéresser avidement à la musique classique et à l’opéra? Outre le suivi des concerts des saisons régulières de plusieurs institutions auquel il s’attelle sans relâche, un homme (orchestre) à lui seul réussit en outre à nous tenir au courant de multiples enregistrements, de prestations estivales à Lanaudière, à Orford, au Domaine Forget, à la Virée classique de l’OSM, sans oublier les opéras diffusés en salles de cinéma du Met de New York.

Je ne peux croire que M. Bouchard préfère le silence quasi complet de La Presse, qui semble vouloir reléguer aux oubliettes ces deux genres artistiques. Ce quotidien a tort de les juger passéistes.

 

Qu’une série de concerts soit applaudie à tout rompre, Monsieur Bouchard, n’est pas forcément un verdict de qualité, pas plus que les cotes d’écoute quant aux émissions du dimanche soir. Mais l’achalandage monstre à la Virée classique de l’OSM et l’enthousiasme débordant sont des indices éloquents que la musique classique n’est plus l’apanage d’une classe à part dans notre société. Et l’OSM réussit de mieux en mieux à attirer en sa Maison un jeune public.

Alors, qu’en est-il du jugement critique du public en général? Voilà une question à poser. À Montréal, que ce soit à la Maison symphonique ou dans d’autres salles de spectacle, l’auditoire privilégie si fréquemment l’ovation debout, qu’il convient de se demander s’il s’agit d’un réel enchantement ou d’un jugement trop expédié. Il existe bel et bien un manque d’initiation à la culture dite classique; pour cela, il faut blâmer notre ministère de l’Éducation et la pauvreté culturelle que nous a fait subir notre télévision publique.

Quant à la série de trois concerts à laquelle renvoie M. Bouchard, je suis partie non enchantée le mardi et à l’entracte le mercredi, et je n’étais pas la seule, c’est donc qu’il y a place à amélioration et que M. Huss n’avait pas à lui seul entièrement tort.

Au cours des trois dernières saisons, je me suis quelquefois demandé, comme jamais auparavant d’ailleurs, si je restais ou quittais un concert. À tant vouloir plaire aux néophytes, ce sont les mélomanes avertis qui se sentent moins inspirés. L’OSM, à mon humble avis, aurait donc intérêt à songer à une programmation plus équilibrée.

En tant que néophyte de jadis et mélomane plus avertie aujourd’hui, je tiens, Monsieur Bouchard, à ce que l’OSM me propose de continuer à apprendre au lieu de m’inciter à tourner en rond jusqu’à me sentir blasée. Et si à la fin de la lecture des textes de M. Huss, je me sens ignare plutôt qu’en total désaccord avec lui, c’est de deux choses l’une: ou je deviens trop peu exigeante ou mon sens critique a besoin d’être affûté...

À voir en vidéo