Se donner le temps qu’il faut

«Le pays dont nous avons absolument besoin pour notre survie, notre avenir et celui de nos enfants est plus proche que nous le pensons», affirme Louis Demers.
Photo: Daniel Gagné «Le pays dont nous avons absolument besoin pour notre survie, notre avenir et celui de nos enfants est plus proche que nous le pensons», affirme Louis Demers.

Le conseil du Bloc aura à décider le 4 février prochain des modalités pour l’élection de notre nouveau chef. La course à la direction d’un parti politique est un exercice démocratique important. Un moment unique pour débattre de sa vision pour l’avenir, pour mobiliser ses membres et susciter l’intérêt de la population. Les partis politiques qui ont récemment choisi ou s’apprêtent à choisir un chef ont tous quelque chose en commun, c’est de s’être donné le temps qu’il faut.

L’idée de reporter d’un an l’élection à la direction du Bloc québécois, prévue en 2017, ne plaît pas à certains membres. D’autres pensent même que l’élection devrait se tenir à courte échéance, ce printemps après une campagne de quelques semaines. En tout respect, je crois qu’il serait sage de nous donner, nous aussi, le temps qu’il faut.

Bien sûr que le travail d’organisation et de conviction à accomplir est énorme. Personne ne peut prétendre que le mouvement souverainiste va bien en ce moment, qu’il n’y a pas urgence.

Mais avant cette élection cruciale de 2019 où les fédéralistes d’Ottawa auront des comptes à rendre, il faut bien choisir un chef capable de livrer un message qui soit convaincant, rassembleur, ouvert.

Le Bloc québécois est un grand parti dans une situation tout à fait privilégiée pour faire la promotion de la souveraineté du Québec. Vous vous rappelez qu’à sa création, il était composé de femmes et d’hommes de tous les horizons politiques. Il doit continuer d’être accueillant pour tous les nationalistes, tous les indépendantistes. Nous connaissons tous les torts que nous causent nos nombreuses divisions dans la lutte nationale. Nous devons faire bloc justement. Un bloc de personnes unies pour le Québec.

Le Bloc ne prendra pas le pouvoir, il peut donc d’autant plus s’ouvrir. Que nos futurs membres viennent de tout parti politique au Québec, qu’ils soient autochtones, anglophones, francophones, très pressés ou moins pressés de faire la souveraineté, jeunes, vieux, pour ou contre tel ou tel projet de loi fédéral, nous devons donner l’exemple que nous pouvons travailler ensemble.

Il faut redonner le goût de combattre aux souverainistes qui ont renoncé à leur idéal après 1995, qui ont laissé aller le projet politique de leur vie, parfois la peine au coeur. Ils sont prêts, je les connais, je vous le dis, à revenir au Bloc. Ils ont envie de dénoncer ce que le résultat au dernier référendum nous a finalement apporté.

Pertinence du Bloc

 

M. Parizeau disait, vers la fin de sa vie, que « ce sont les jeunes qui décideront du pays dans lequel ils veulent vivre ». Nous avons la possibilité de les mobiliser pour un grand projet collectif, un Québec libre. L’indépendance va leur ouvrir, à ces jeunes, des horizons extraordinaires, il faut leur dire. Ce sera la tâche du chef qu’il faudrait choisir parmi plusieurs candidats après une vraie course où il y aura de vrais débats.

Le Bloc doit continuer son excellent travail à la Chambre des communes. Depuis sa création, un travail sérieux, respecté, efficace, engagé à la protection du Québec sans autres attaches ou intérêts à défendre d’autres provinces comme tous les autres partis. C’est le travail admirable que font actuellement et pourront continuer de faire nos dix élus sous la direction de Rhéal Fortin. Le Bloc doit continuer d’observer, de dénoncer ce régime fédéral qui, depuis 150 ans, est inefficace, sclérosé, coûteux et qui affaiblit notre nation.

Pour ceux qui se questionnent encore sur la présence d’un parti indépendantiste à Ottawa, nous leur répéterons que nous envoyons la moitié de nos impôts à un gouvernement que nous ne contrôlons pas, qui très souvent prend des décisions contre nos intérêts, qui travaille contre notre développement et nous n’aurions pas le droit de le dire dans son enceinte ?

Au moment du rapatriement unilatéral de la Constitution et la promulgation dévastatrice de sa chartre des droits, Trudeau père se vantait à René Lévesque d’avoir la légitimité d’agir par 74 libéraux fédéraux élus au Québec sur 75. Il ne faut certainement pas permettre à Trudeau fils de s’en vanter aussi.

Coûts du fédéralisme

 

Nous savons tous que, si le dernier référendum ne nous avait pas été volé à coups de millions par ces mêmes fédéralistes d’Ottawa, nous serions aujourd’hui un peuple plus fier, plus avancé dans tous les domaines, heureux de bâtir un nouveau pays. On a qu’à réécouter le discours de M. Parizeau en cas de victoire du oui en 1995 pour s’en convaincre.

Plus de vingt ans après, les raisons pour lesquelles nous avons dit oui demeurent toujours. Comme nation avons-nous obtenu plus de respect, plus de place dans la fédération canadienne ? Le fédéralisme est-il plus efficace ? Les compétences du Québec, en supposant que nous nous en contentions, sont-elles plus respectées ? Sommes-nous plus riches ? Notre langue progresse-t-elle au Canada, au Québec ? Sommes-nous sur la bonne voie pour notre épanouissement collectif ? Non.

Au mieux, parfois, après d’âpres négociations lentes et coûteuses ou d’interminables recours devant les tribunaux, nous assistons à l’annonce par des représentants tout sourire de nos deux gouvernements qu’ils se sont enfin entendus sur la façon de dépenser quoi, notre argent à nous. Déplorable. Le Québec a grand besoin d’agir, de bouger sans ces délais et ces entraves. Aussi, les exemples sont multiples où nous voyons encore aujourd’hui, malgré notre faiblesse, le gouvernement fédéral travailler contre notre langue.

Et nous devrions être heureux de recevoir de la péréquation, des montants dérisoires par rapport aux coûts du fédéralisme. Une péréquation qui est possible en grande partie par le développement économique des autres provinces avec notre argent ou, par exemple, par l’exploitation de sables bitumineux de manière honteuse. Pendant que nous nous battons pour qu’Énergie Est ne passe pas dans le pays rêvé que nous n’avons pas, le Québec, notre pays réel lui, le Canada, continue de polluer la planète.

Responsabilité

 

Mais notre projet n’est pas seulement celui fondé sur les coûts du fédéralisme ou les bénéfices de notre indépendance. Il repose sur notre responsabilité à nous, comme peuple face à son histoire, que nous n’avons pas le droit d’oublier, et face à son devenir. Il repose sur notre constante volonté d’apporter quelque chose de particulier au monde.

L’élection de 2019 est capitale; elle doit marquer le ralliement au Bloc de tous les indépendantistes, anciens, nouveaux, pour relancer notre projet de créer un pays, beau, dynamique, riche, solidaire, meneur reconnu des énergies vertes, ouvert aux autres, critique de la mondialisation par son projet révolutionnaire d’un pays français en Amérique dans le respect, bien sûr, de tous ses habitants.

La résistance héroïque de nos ancêtres et de tous ceux qui se sont joints à eux aux nombreuses tentatives de nous faire disparaître de ce coin d’Amérique nous oblige à bien mener notre combat.

Le pays dont nous avons absolument besoin pour notre survie, notre avenir et celui de nos enfants est plus proche que nous le pensons. Les Québécois s’attendent à ce que nous choisissions le meilleur chef possible de ce Bloc québécois que nous aimons après une campagne démocratique et stimulante. Nous avons cette responsabilité, exerçons-la sans précipitation.

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