À la recherche d’un consensus sur l’histoire du pays

Illustration de la conférerence de Québec en 1864
Photo: Bibliothèque et archives Canada Illustration de la conférerence de Québec en 1864

J'ai trouvé à la fois intéressante et révélatrice la réflexion de Simon Couillard (« Arthur Lower et les 150 ans de la nation canadienne », Le Devoir, 7 janvier). Même s’il y a lieu de prétendre, comme il le fait, que la publicité du fédéral au sujet du 150e anniversaire de la Confédération canadienne aurait pu faire preuve d’une sensibilité plus aiguë quant à l’auditoire québécois, je crois qu’on se doit également de reconnaître que le manque d’échanges entre historiens anglo-canadiens et québécois en est en grande partie responsable.

En voyant le sujet de l’article de M. Couillard, j’ai cru d’emblée qu’il cherchait en quelque sorte à combler cette brèche. Au contraire, il semble vouloir plutôt maintenir une malheureuse absence de consensus sur l’histoire du Canada qui fait en sorte que les malentendus de ce genre se propagent. Souhaitons donc qu’on profite de ce 150e anniversaire pour fouiller notre histoire afin de l’éclaircir, au lieu de s’en servir pour marquer des points d’ordre politique.

Une discussion informée entre historiens (et les mordus d’histoire) provenant des « deux solitudes », tel qu’amorcée dans les pages du Devoir, pourrait servir à mieux connaître et à comprendre pourquoi, malgré tout, le Canada a réussi à perdurer pendant un siècle et demi. Si l’écart entre les souvenirs de l’histoire tel qu’elle a été enseignée au Québec et en Ontario est si large, on a raison de soupçonner que les versions de part et d’autre ont été autant chargées de mythologies que de faits.

Couillard fustige Arthur Lower pour avoir été peu sensible au rôle important du gouvernement du Québec voulu par les Canadiens (français) d’autrefois. Même s’il a peut-être raison sur ce point, rappelons que le débat sur la répartition des pouvoirs entre les provinces et le fédéral ne se fait pas exclusivement entre historiens anglos et francos. Ce débat divise aussi les gens de la même appartenance linguistique. Ce fut aussi le cas à l’époque de la Confédération, où l’on retrouvait ceux qui deviendront Canadiens anglais et français dans les deux camps, centralisateurs et provincialistes.

Macdonald

 

Parlons du premier premier ministre canadien, John A. Macdonald. Voilà un personnage à la fois peu connu et souvent réduit à la caricature au Québec. Quand on se souvient de lui, c’est surtout pour son erreur politique (et morale, peut-on prétendre) de ne pas être intervenu pour arrêter la pendaison pour trahison de Louis Riel en 1885. Cette interprétation nous empêche de lui rendre suffisamment hommage pour avoir eu le souci de conclure un pacte avec Georges-Étienne Cartier afin de réaliser le projet de confédération. Ce projet visait en grande partie à protéger les provinces du Canada, y compris le Québec, de la menace de l’annexion par les États-Unis. Les deux hommes politiques avaient compris que le Canada d’alors, avec ses 3,5 millions d’habitants, ne pouvait résister à une telle tentative autrement qu’en étant uni, mais aussi en étant protégé par la Grande-Bretagne, la superpuissance de l’époque.

Comme le décrit si bien Richard Gwyn, autre historien anglo-canadien, Cartier martelait lors des débats menant à la confédération que la question se résumait ainsi : soit nous ferons partie d’une fédération nord-américaine, ou bien nous serons absorbés par la fédération américaine. Quatre des cinq évêques du Québec se rallièrent à cette même opinion.

Ce fut également l’essentiel de l’entente entre Louis-Hippolyte Lafontaine et Robert Baldwin. Ils ont mis en pratique, par leur gouvernance dans la foulée de l’Acte d’union de 1840, un partenariat entre les deux nations qui a préparé le terrain pour la prise de conscience de Macdonald et Cartier.

Options

 

Il est vrai toutefois que certains Canadiens français étaient moins enthousiastes à l’égard de ce partenariat avec les anglo-canadiens. Parmi ceux-ci, pourtant, bon nombre percevaient la confédération d’un oeil utilitaire, encore une fois, parce qu’elle offrait la protection, temporaire souhaitons-le, mais nécessaire, contre l’annexion par les États-Unis.

L’historien québécois Éric Bédard nous rappelle que selon Étienne Parent, rédacteur en chef du journal Le Canadien en 1837, le choix qui s’offrait aux Canadiens était de rester dans l’Empire et oeuvrer à un meilleur avenir, quitte à rechercher des appuis du côté de « nos colonies soeurs », ou être annexés aux États-Unis et disparaître.

Le jour même de la création du Canada, en 1867, La Minerve et Le Journal de Québec y voyaient là un projet qui permettrait au Québec un jour de former une nation, voire un État indépendant. En effet, le Canada permet toujours que cette option soit entretenue. Mais au cours des 150 années qui ont suivi, elle n’a pas été l’option choisie par les Québécois. Plus on connaît son histoire, plus on comprend le pays.

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