2016, l’année où le monde a fermé ses portes

En 2016, la Syrie a été le pays plus affecté par la crise des réfugiés, avec près de 5 millions de personnes forcées de quitter leur ville ou leur pays.
Photo: Bulent Kilic Agence France-Presse En 2016, la Syrie a été le pays plus affecté par la crise des réfugiés, avec près de 5 millions de personnes forcées de quitter leur ville ou leur pays.

L'année 2016 a mal commencé lorsque le corps d’un enfant syrien de deux ans a été repêché près de l’île d’Agathonisi (Grèce). Cette année, on estime que plus de 7000 personnes qui tentaient de fuir leur pays sont mortes, dont plus de 5000 le long de la Méditerranée. Ces victimes sont en fait la pointe de l’iceberg.

La crise syrienne

 

En effet, on oublie l’ampleur du problème des réfugiés dans le monde, qui seraient, selon l’ONU, plus de 65 millions. En 2016, la Syrie a été le pays plus affecté, avec près de 5 millions de réfugiés et de déplacés (plus de 6000 personnes par jour). En réalité, la majorité d’entre eux restent en Syrie dans des conditions déplorables. Les « chanceux » aboutissent en Turquie, en Jordanie ou encore au Liban, où on trouve 1,5 million de réfugiés syriens, en majorité des femmes et des enfants, qui survivent dans une pauvreté extrême (2,50$ par jour). C’est un fardeau pour ce petit pays qui compte 10 % de sa population dans l’indigence et plus de 20 % sans travail.

Les réfugiés invisibles

 

Les réfugiés syriens sont devenus visibles, mais que dire des autres ? Trois millions de réfugiés afghans, majoritairement au Pakistan, sont vulnérables. Le gouvernement pakistanais a forcé plus de 650 000 Afghans à retourner dans leur pays, où ils deviennent, selon la terminologie de l’ONU, des « déplacés ». En réalité, leur situation est pire, car ils ne reçoivent presque aucune aide internationale, dans un pays dont la moitié du territoire est en guerre. Plus de 900 000 Somaliens sont des réfugiés, dont 334 000 au Kenya, où le gouvernement a annoncé la fermeture du plus grand camp de réfugiés au monde. Plus d’un million de Soudanais du Sud sont sur les routes, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés. La République démocratique du Congo, où on trouve plusieurs centaines de milliers de déplacés, abrite 400 000 réfugiés de la République centrafricaine, du Burundi et du Rwanda, comme c’est le cas du Mali, de l’Éthiopie, du Soudan et du Nigeria. Au Yémen, 2,5 millions de déplacés sont menacés par la famine. Au Myanmar, des centaines de milliers de personnes de la minorité musulmane fuient les attaques meurtrières. Les plus chanceux atteignent le Bangladesh, un des pays les plus pauvres de la Terre.

Dehors les pauvres

 

Ces centaines de milliers de désespérés acceptent de faire le trajet dans des conditions effroyables parce qu’ils n’ont aucun autre moyen de sauver leur vie. En Europe, à part en Allemagne, la porte reste fermée. Les pays balkaniques détiennent les réfugiés dans des camps ou les expulsent. En Angleterre, en France, dans les pays scandinaves, de nouveaux dispositifs répressifs sont en place, pendant que des partis de droite et d’extrême droite demandent la fermeture des frontières et l’expulsion des réfugiés. En Afrique du Nord, l’Europe impose à des États de contenir les flux, d’emprisonner et d’expulser. C’est d’ailleurs ce que promet le président désigné des États-Unis, Donald Trump.

Le Canada généreux ?

Le gouvernement Trudeau a fait beaucoup de bruit en 2016 en acceptant quelques milliers de réfugiés syriens. En réalité, les Syriens qui sont arrivés au Canada en un an sont moins nombreux que ceux qui sont forcés au déplacement ou à l’exil chaque semaine, ce qui en soi n’est guère impressionnant. L’action gouvernementale est encore plus limitée si on considère que le fait qu’une minorité d’entre eux reçoit de l’aide de l’État (la majorité est prise en charge par l’aide privée). Selon le Conseil canadien des réfugiés, moins de 7500 réfugiés seront parrainés par le gouvernement en 2017, alors que l’ONU cherche à en placer de manière urgente plus de 1,2 million.

On oublie les causes

 

Si l’aide humanitaire n’est pas à la hauteur des défis, que dire des réponses globales ? Depuis les années 1990, les États-Unis ont pensé agir comme la seule « hyperpuissance », selon l’expression de l’ancien ministre des Affaires étrangères de la France, Hubert Védrine. La première guerre du Golfe (1990) a conduit à l’implosion d’une région déjà malmenée, suivie de la destruction de la Yougoslavie (1991), qui a causé des centaines de milliers de victimes et beaucoup plus de réfugiés et de déplacés. Une expédition américaine en Somalie (1993) a dramatiquement aggravé la descente aux enfers de la corne de l’Afrique. Après les attentats de 2001 et le déclenchement de la « guerre sans fin » du président George W. Bush, la crise a détruit d’autres États, dont l’Afghanistan et l’Irak, d’où découle l’implosion actuelle. En dépit des promesses, l’occupation israélienne de la Palestine continue en toute impunité, grâce aux milliards d’aide militaire américaine, ce qui transforme la population des territoires en clochards, sans compter les centaines de milliers de réfugiés palestiniens dans des pays pauvres et fragiles comme le Liban et la Jordanie.

Suivez le chef

 

Les alliés des États-Unis ont décidé, quelquefois avec hésitation, de suivre le leadership américain. En participant aux opérations militaires américaines, le Canada notamment a contribué en Afghanistan et en Irak à mettre de l’huile sur le feu. Cette politique évacue les causes, qui relèvent de la prédation et de la dictature, contre lesquelles les peuples se sont soulevés, entre autres lors du printemps arabe. Depuis, le gouvernement canadien continue de fermer les yeux sur la répression en Arabie saoudite, en Égypte et en Turquie. Il n’a pas le courage de dénoncer la colonisation israélienne, comme viennent de le faire, très tardivement, certes, les États-Unis. Au contraire, le gouvernement Trudeau cherche à intimider ceux qui appuient une campagne internationale de boycottage contre les échanges économiques avec Israël, une stratégie promue par les secteurs civils palestiniens, à l’image de ce qu’avaient organisé les mouvements de solidarité avec la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud.

Si l’an prochain, en 2017, on observe que le monde est devenu encore plus dangereux et déshumanisé, qui sera surpris ?

À voir en vidéo