Les médecins spécialistes n’ont pas rompu leur «contrat social»

Pour Diane Francoeur, il faut dépasser les clichés sur les médecins.
Photo: Thinkstock Pour Diane Francoeur, il faut dépasser les clichés sur les médecins.

La profession médicale est-elle tombée de son piédestal ? Quelle étrange question, posée par Le Devoir, pour parler de la relation entre les médecins et la population ! Le 23 novembre, le débat a eu lieu avec, en toile de fond, la question de la productivité des médecins, mais plusieurs commentaires faits par les panélistes n’étaient basés que sur leurs opinions personnelles. Selon nous, le constat est assez clair : les médecins spécialistes du Québec sont incapables d’avoir accès à des données probantes pour documenter adéquatement cette fameuse question de la productivité. Impossible de pouvoir départager ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas. Commission d’accès à l’information ou chasse gardée ministérielle, nous ne pouvons mesurer notre rendement en temps réel, ce qui nous permettrait de nous améliorer. Les délais d’attente sont inacceptables ; il est primordial de savoir dans quelle région, dans quel hôpital, dans quelle spécialité ces problèmes surviennent — et pour quelles raisons — afin de pouvoir les régler rapidement. Les seules données nous permettant d’évaluer notre productivité sont celles des actes facturés. En 2015-2016, les médecins spécialistes ont pratiqué 70 millions d’actes, dont 13 millions en clinique, pour soigner les patients.

Du côté de l’accès, maintenant. Depuis l’entrée en vigueur de la « loi 20 », les médecins spécialistes des 35 spécialités sont à pied d’oeuvre sur quatre chantiers visant à améliorer l’accès aux soins et services spécialisés pour la population. Nous nous sommes résolument engagés à respecter nos engagements. On oublie trop souvent que 70 % des médecins spécialistes travaillent exclusivement en centre hospitalier. Oui, l’accès aux soins spécialisés et la productivité sont associés aux ressources disponibles. Non, la santé ne se gère pas par des promesses électorales. Tout comme la population, nous devons, nous aussi, subir le contrecoup des contingences imposées par le gouvernement.

Difficile de sortir des clichés et des lieux communs. « Les médecins ont une rémunération garantie ; n’ont de comptes à rendre à personne ; il n’y a que très peu de risques professionnels ; le médecin choisit ses patients… » S’il est vrai que certains déjouent leurs obligations et ont quitté les hôpitaux, des médecins spécialistes sont de garde tous les jours de la semaine, dans toutes les disciplines, et s’occupent de tous les patients qui se présentent dans tous les hôpitaux du Québec. Ils ne refusent personne, et ne font certainement aucune sélection, peu importe l’heure ou la complexité des cas.

Quant au fameux « contrat social » que les médecins auraient soi-disant brisé, je ne partage ni l’analyse ni la position de la présidente de l’Association médicale du Québec (AMQ) publiée dans ces pages le 25 novembre. Elle pose la question suivante : « Qu’a fait la profession médicale collectivement pour résoudre les problèmes du système de santé au cours des dernières années ? » Visiblement, l’AMQ en a manqué des bouts ; ce qui ne m’étonne pas vraiment. Je ne citerai qu’un exemple montrant que nous respectons notre contrat social avec la population : la FMSQ a remis 350 millions de dollars au ministère de la Santé lors du ré-étalement de notre entente en 2014. Nous avons demandé que cette somme soit réinvestie dans le système de santé. Ces 350 millions de dollars auraient suffi à construire un hôpital en région. Voilà un engagement concret !

Au service des patients

 

Je termine maintenant sur une note plus personnelle. Je n’ai certainement pas étudié la médecine pour être mise sur un piédestal. Je suis née dans une famille modeste d’Amqui, en Gaspésie. Je suis devenue obstétricienne gynécologue et suis arrivée là où j’en suis aujourd’hui en travaillant très fort. Quand j’entre à l’hôpital pour prendre mon service, mes seules préoccupations sont mes patientes et leurs bébés qui vont naître. Je me demande s’il y aura suffisamment de lits disponibles pour accepter les transferts, suffisamment de personnel pour assurer la prise en charge des cas complexes qui viennent de partout au Québec, suffisamment de résidents pour m’aider à m’occuper de façon sécuritaire de toutes les femmes qui seront en salle d’accouchement. C’est de cette façon que je remplis mon contrat social avec les patientes et leur famille.

C’est aussi ce qui fait la fierté de tous les médecins spécialistes qui ne demandent qu’à soigner, guérir, sauver des patients grâce à une pratique optimale. D’ailleurs, chaque jour, ces médecins font des petits miracles dans tous les hôpitaux du Québec. Si les médias prenaient l’engagement d’en parler plus souvent, il me semble qu’un peu de positif, ça ferait du bien et rassurerait la population, car la qualité de la médecine spécialisée au Québec est excellente. Alors que les ministres passent, les patients sont toujours au coeur des préoccupations des médecins spécialistes !

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