Politique contre planète

«Le Canada qui rase ses forêts est, selon Ottawa, un pays forestier modèle», souligne l'auteure.
Photo: Lawrence Côté-Collins «Le Canada qui rase ses forêts est, selon Ottawa, un pays forestier modèle», souligne l'auteure.

On pourrait, en 10 ans, faire de la Terre un paradis… à condition d’expédier les politiciens sur la Lune, nous prévenait il y a 50 ans l’architecte Buckminster Fuller dans son Manuel d’instruction pour le vaisseau spatial Terre. Ces derniers n’ont pas respecté les promesses de Rio et ne respecteront pas celles de Paris. En fait, ils font l’inverse. Même si on utilise déjà une planète et demie, les politiciens, eux-mêmes responsables d’une grande partie du gaspillage font tout pour accélérer l’exploitation. Leur plus grande crainte est qu’elle ralentisse. Comme politiciens puis souvent comme lobbyistes, ils semblent s’être donnés comme mission de vider leur pays de ses ressources.

Ce qui aggrave les choses, c’est qu’ils subventionnent généralement les méthodes d’exploitation les moins durables qui diminuent la productivité à long terme en appauvrissant le sol qui est la base même de la production. Coupe rase en forêt, monoculture, pêche industrielle. Partout la politique est de remplacer de gré ou de force les petits agriculteurs, forestiers, pêcheurs côtiers par de grosses exploitations privées ou publiques.

Pire encore, ils défendent ces méthodes. Le Canada qui rase ses forêts est, selon Ottawa, un pays forestier modèle. En fait, même si on laissait sur place les branches pour enrichir le sol, qu’on épargnait la régénération ainsi qu’une partie des arbres matures pour abriter la faune, au lieu de tout enlever, les Canadiens resteraient parmi les gens les plus riches de la planète.

À Québec, le premier ministre Couillard affirme qu’il ne laissera pas perdre un seul emploi pour sauver des caribous. Son ministre, plutôt que d’appliquer son propre règlement censé protéger tous les arbres de moins de 12 cm, s’en va à Paris, pendant le sommet, défendre les forestières. Les quelques personnes qui osent s’opposer publiquement aux mauvaises pratiques forestières, agricoles, minières, sont dépeintes (parfois poursuivies et emprisonnées) par l’élite financière et politique comme de mauvais citoyens qui retardent la croissance économique. Les politiciens entretiennent l’illusion que la croissance perpétuelle est possible et compatible avec le développement durable.

Au lieu de s’entendre entre pays pour rendre le commerce plus logique et éviter le transport inutile, on se concurrence à coups de subventions fiscales, financières, techniques, à la production, au transport, à la consommation, etc. Si bien qu’on n’a plus aucune idée du coût réel d’un produit ou d’un service. Il en coûte souvent moins cher d’acheter ses aliments de l’autre côté de la planète que de son voisin. On subventionne même les touristes pour qu’ils se promènent en avion au lieu de traiter les malades.

En fait, le plus gros problème environnemental, c’est la politique elle-même, qui fonctionne mal dans tous les pays. Nous participons tous à la surexploitation, mais ce sont les politiciens qui nous forcent à la subventionner et qui, par leur silence partisan, en sont les grands responsables. Si on veut ramener l’exploitation de la planète à ce qu’elle peut donner et le faire de façon plus durable, il faut trouver un moyen d’empêcher les politiciens de gaspiller, de subventionner et de défendre ceux qui gaspillent les ressources.

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